Problème : un enfant a perdu son père ; comment l’aider à s’endormir ?
Le cadre : une maison d’enfants.
C’est la rentrée. Sur le groupe de neuf enfants de six à douze ans, il y a cinq nouveaux.
Au dîner du deuxième jour, les enfants parlent chacun leur tour. Ce ne sont pas des présentations, mais un petit morceau de leur vie qui sort de leur bouche. Très vite, ils s’énervent et les pleurs de la séparation avec la famille commencent avec le soir qui arrive…
Pour calmer le jeu, avant que la tristesse ne gagne le groupe tout entier, nous leur proposons de raconter une histoire, celle qu’ils veulent.
Voilà que Christophe, le plus petit du groupe, qui est déjà ancien car il est arrivé l’an dernier, prend la parole :
- Moi, je vais vous raconter une histoire. C’est un monsieur qui était très malade. Il est couché dans son lit, et un jour, il se lève pour aller à son bureau, il tombe. Il dort très fort, il est mort.
Les enfants l’écoutent avec attention, et d’ailleurs les pleurs ont cessé. Christophe reprend :
- Ce monsieur là, c’était mon papa.
Là, les enfants sont médusés. Ludovic – c’est lui qui pleurait – intervient :
- Tu devrais pas dire des choses comme ça ! C’est triste ! C’est vrai que ton papa il est mort ?
Christophe se défend :
- Si on peut en parler ! Hein c’est vrai ? dit-il en se tournant vers moi.
- Bien sûr que tu peux en parler, c’était ton papa !
Les enfants, pensant le réconforter, lui posent la question :
- Quand même, tu vois ta maman ?
- Non, ma maman elle est restée en Afrique, et je la verrai plus jamais.
Un silence, tous les enfants se taisent, un grand blanc s’installe.
Puis chacun va raconter un petit bout de son histoire personnelle. Le moral n’est pas au beau fixe, mais ils s’écoutent et respectent la parole des autres. Il faut dire que Christophe les a calmés, avec son histoire !
Le soir, à l’heure du coucher, c’est l’angoisse… Tous les nouveaux ont un coup de blues. Les autres arrivent de vacances chez leurs parents et sont perturbés. J’essaie de les apaiser un peu avec une histoire, un câlin…
Christophe pleure dans son lit. Je vais le chercher et je le prends à part dans le salon. Nous nous installons pour un câlin et Christophe étouffe dans ses sanglots.
- Je veux voir mon papa… J’en ai marre d’être ici… Je veux rentrer chez moi…
Mais c’est où, chez lui ? Quelle est la représentation qu’il a de son « chez lui » ? Dans ma tête je me pose la question… Mais que répondre à ce petit bonhomme en mal d’amour ?
Je lui demande : « Tu te rappelles ta maison en Afrique ? »
Et curieusement, ça le calme. Il me raconte sa maison, avec sa porte blanche, sa chambre bleue, la voiture de police qui avait une sirène…
Il ne parlera pas de sa maman. Raconter l’a apaisé. Il me dit : « Tu sais, Claude, mon plus beau rêve, ce serait de revoir mon papa ! »
Quelques instants plus tard, il s’endormait.
Claude, Monitrice-Educatrice
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