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s’éveiller à la rencontre

                                                                                                          LE FOLL Damien

                                                                                         

                     A la découverte de ces enfants qui ne viennent  pas d’une autre planète 

     

    Diplôme d’État d’éducateur de jeunes enfants

    Session Juin 2017

    PREAMBULE :

    « Les monstres, évidemment, sont terribles et peuvent faire peur […] ma foi, ce n’est pas désagréable d’avoir peur quand on sait qu’on sera rassuré. » disait une critique à la sortie de l’album « Max et les Maximonstres » en 1967. De nombreux pédagogues de l’époque s’étonnèrent même que l’on puisse voir un dessin « si laid » au service d’une idée « si malsaine » de l’enfant.

    De la même manière, le handicap peut procurer ce sentiment de peur, de rejet, d’évitement chez les professionnels de la petite enfance. Ce mémoire se veut un début de réponse rassurant aux peurs des adultes amenés à côtoyer ces enfants aux capacités particulières.

    L’idée est ici d’initier le lecteur à éveiller son intérêt pour prendre le temps de rencontrer ces enfants et leurs familles pour pouvoir cheminer ensemble vers plus d’humanité. Cette humanité passe par un enrichissement mutuel avec ces enfants que H. BUTEN nomme « ces enfants qui ne viennent pas d’une autre planète ». Il nous faut accepter de se laisser étonner et d’apprendre de chacun d’entre eux. Comme le dit l’auteur, « il faut savoir en profiter ». A nous d’en faire de même.

    « Les enfants autistes que j’ai rencontrés, j’ai pensé qu’ils avaient une culture à eux. Qu’ils chantonnaient une musique à eux, qu’ils faisaient des bruits et que c’était leur langue à eux, qu’ils se balançaient et que c’était leur danse à eux. Bizarre, quoi, un peu comme s’ils venaient d’un autre pays – et même d’une autre planète. Mais justement non, ce qui est bien, c’est qu’ils sont de chez nous. On les a sous la main. Ils ont forcément plein de choses à nous apprendre, même quand ce qu’ils font nous effare. Faut savoir en profiter[1]». 

    Afin de préserver l’anonymat de tous, les noms figurant dans ce mémoire ont été modifiés.

    SOMMAIRE

    INTRODUCTION  1

    I-         L’ENJEU DE LA RENCONTRE DANS LA RELATION EDUCATIVE POUR DECOUVRIR LES POTENTIALITES DE L’ENFANT. 3

    1-     L’INSTITUT MÉDICO-ÉDUCATIF, UN LIEU PROPICE À L’ÉVEIL DES POTENTIALITÉS DES ENFANTS ?. 3

    A)          LES VALEURS ET MISSIONS DE L’INSTITUTION  3

    B)         PRÉSENTATION DES ENFANTS  4

    2-     ACCUEILLIR POUR DÉCOUVRIR : L’ATTITUDE DE L’ADULTE, UN LEVIER DE LA RENCONTRE. 5

    A)          S’ÉCOUTER SOI POUR PRENDRE EN COMPTE L’ENFANT  7

    a)     Une écoute de nos ressentis pour que l’enfant soit partenaire de la relation. 7

    b)     Un repérage de nos limites personnelles pour une rencontre authentique. 8

    c)      Un partage compréhensible de nos émotions à l’enfant  9

    B)         SE LAISSER GUIDER PAR LES ENFANTS  10

    a)     Une implication physique et psychique de l’adulte pour comprendre l’enfant …………………………………………………………………………………11

    b)     Une posture d’apprenant de l’adulte pour soutenir les compétences de l’enfant  12

    C)         L’ATTITUDE DE L’ADULTE, UN ENJEU DANS L’EXPRESSION DES POTENTIALITÉS DE L’ENFANT  12

    a)     La cohérence de l’attitude de l’adulte, un appui pour l’expression de l’enfant  12

    b)     Une constance et un ajustement des propositions de l’adulte à l’enfant  14

    c)      Une communication indirecte pour être avec l’enfant  15

    3-     LES APPELS DES ENFANTS : UNE INVITATION A LA RENCONTRE. 16

    A)          UN LANGAGE DU CORPS À ÉCOUTER 16

    a)     Les expressions corporelles, témoins de l’intérêt de l’enfant pour une rencontre  16

    b)     Les expressions corporelles, en attente d’une réponse de l’adulte  17

    B)         LES PRODUCTIONS ET LES PENSÉES DES ENFANTS  19

    C)         LES CENTRES D’INTÉRÊT DES ENFANTS 20

    II-        UNE CONTINUITÉ DE LA RENCONTRE POUR SOUTENIR L’EMERGENCE DES POTENTIALITES DE L’ENFANT. 22

    1-     S’APPRIVOISER AVEC « CRÉATIVITÉ » 22

    A)          EXPLICATION DU CONCEPT : «S’APPRIVOISER AVEC CRÉATIVITÉ »  22

    B)         L’IMPORTANCE D’UNE PERCEPTION CRÉATIVE DU PROFESSIONNEL EN IME  23

    2-     L’ÉMERGENCE DES POTENTIALITÉS DE L’ENFANT EN IME :   LE CHEMINEMENT DE LA DYADE « ENFANT-PROFESSIONNEL». 25

    A)          L’IMPORTANCE D’UNE RELATION FIABLE ET CONTINUE POUR L’ENFANT  25

    B)         L’OBSERVATION À L’IME 26

    a)     Le repérage des besoins de l’enfant à l’IME  26

    b)     Les difficultés d’observer au sein du groupe d’enfant  27

    c)      Quand les affects influencent l’observation  27

    C)         L’AJUSTEMENT « ENFANT-ADULTE », UN SOUTIEN AUX POTENTIALITÉS DE L’ENFANT. 28

    a)     L’ajustement « enfant-adulte », un parallèle à l’accordage affectif  28

    b)     Le quotidien de l’IME, support permanent à une tentative d’accordage affectif  29

    c)      L’intérêt des enfants pour la transmodalité, signe d’un accordage possible…………………………………………………………………………………30

    D)         LES RITUELS DE L’ENFANT 30

    a)     Un mode de régulation des émotions de l’enfant en soutien à la relation « enfant-professionnel »  31

    b)     Un témoin de l’évolution des besoins de l’enfant  32

    3-     QUAND LE LIEN EST MALMENÉ 33

    A)          UNE DÉRIVE POSSIBLE DU LIEN PAR L’ADULTE 33

    a)     Les surstimulations  33

    b)     L’orientation des initiatives de l’enfant dans l’intérêt du professionnel  34

    B)         L’ACCOMPAGNEMENT DES FRUSTRATIONS DE L’ENFANT  35

    a)     Présentation de Maëlle et « ces colères »  35

    b)     Apports théoriques sur la frustration par FREUD et D.W. WINNICOTT  36

    c)      Les réponses possibles de l’adulte face aux frustrations de l’enfant  37

    d)     La place de l’éducateur durant les moments de frustrations de l’enfant  38

    III-       LA RELATION EDUCATIVE : AU CARREFOUR D’UNE REFLEXION PLURIDISCIPLINAIRE ET D’UNE ALLIANCE AVEC LES FAMILLES. 40

    1-     LE TRAVAIL EN ÉQUIPE PLURIDISCIPLINAIRE, UN ACCORDAGE PROFESSIONNEL  40

    A)          LA DYNAMIQUE DE PROJET EN DIRECTION DE L’ENFANT, POINT DE RENCONTRE DE L’ÉQUIPE PLURIDISCIPLINAIRE  40

    B)         UN ENRICHISSEMENT DE L’ACCOMPAGNEMENT DE L’ENFANT PAR UNE RÉFLEXION D’ÉQUIPE 41

    C)         UNE COHÉSION D’ÉQUIPE, SYNONYME D’UNE CONTINUITÉ POUR L’ENFANT  42

    D)         UN PROJET COMMUN DE L’ÉQUIPE POUR UN REPÉRAGE GLOBALE DES BESOINS DE L’ENFANT 43

    2-     UNE ALLIANCE AVEC LES FAMILLES INDISPENSABLE 44

    A)          CONTEXTE DES FAMILLES DES ENFANTS DE L’IME  44

    B)         LA DÉCOUVERTE DU TRAVAIL AVEC LES FAMILLES 45

    a)     La création d’une alliance avec le père de Maëlle  45

    b)     Une alliance passant par les centres d’intérêt du parent  46

    c)      Une alliance par une considération des attentes de chaque parent  47

    C)         LA PLACE DES FAMILLES DANS LE QUOTIDIEN DE L’ENFANT À L’IME 48

    a)     Une coéducation importante pour l’épanouissement de l’enfant  48

    b)     Les familles, un partenaire de l’accompagnement de l’enfant à l’IME  49

    c)      La culture familiale, un support d’une alliance avec l’enfant et sa famille  50

    D)         UNE ALLIANCE COMPROMISE PAR LES REPRÉSENTATIONS ÉDUCATIVES DES PROFESSIONNELS À L’ÉGARD DES PARENTS ?. 51

    CONCLUSION  53

    INTRODUCTION :

    En décembre 2016, de vifs débats ont eu lieu concernant l’interdiction de l’approche psychanalytique auprès des personnes autistes qui a finalement été rejetée par l’assemblée nationale. Il ne sera nul lieu dans ce mémoire d’effectuer une mesure de chacune des approches cependant elle pose une question de fond essentiel : Quelles valeurs défendons nous auprès des enfants en situation de handicap que nous sommes amenés à accompagner ?  Face à cette évolution des mœurs, il me semble essentiel pour nous futurs professionnels, de définir notre positionnement, à travers nos valeurs et convictions professionnelles. Ce travail préliminaire est essentiel pour avoir une base de réflexion assez sûre pour se garder la liberté et la curiosité de profiter des apports et réflexions de chaque courant de pensés.

    Tout d’abord, ce mémoire bien qu’introduit par le biais de l’autisme s’ouvre davantage à une réflexion plus générale sur l’accompagnement des enfants en situation de handicap quel qu’il soit. C’est à travers ce stage en Institut médico-éducatif (I.M.E) et plus largement à travers ces trois ans de formation que s’est construit le fil rouge de mon positionnement de futur éducateur de jeunes enfants (EJE) auprès d’enfants en situation de handicap. Cet intérêt pour ce public a débuté lors de mon second stage de formation en Centre d’Action Médico sociale Précoce (CAMSP). A travers cette expérience, j’ai pu observer de manière privilégiée l’accompagnement des enfants en situation de handicap et de leurs familles, de leur arrivée jusqu’à leur orientation en milieu ordinaire ou en milieu spécialisé.

     Je souhaitais alors prolonger mon questionnement en découvrant la spécificité du travail éducatif en IME qui est un des principaux lieux d’orientation des enfants à la sortie du CAMSP. Dans cette institution, l’équipe éducative est avant tout constituée d’éducateurs spécialisés. C’est d’ailleurs une d’entre elle qui m’a accueilli pour ce stage, intéressée par le fait de croiser nos réflexions et nos outils pédagogiques. Mon début de stage m’a rapidement questionné aux vu des contradictions entre les différentes visions éducatives des professionnels. Néanmoins la variété des réflexions des professionnels que j’ai côtoyés, en fonction de leur bagage de formation, de leurs valeurs et de leurs convictions concernant l’accompagnement de « l’enfant en situation de handicap » m’a conduit à questionner mon propre positionnement vis-à-vis de ces enfants.

    Ce mémoire est donc pour moi l’occasion d’évoquer mes questionnements de stage et de formaliser mon positionnement professionnel de futur éducateur de jeunes enfants. Le regard qui sera posé sur les enfants dans cet écrit, sera avant tout respectueux de leur singularité. Je m’efforcerai de décrire ces enfants de manière non cliver comme il est souvent donner à voir (ex : dissociation pathologie, développement psychologique, développement moteur). Considérer l’enfant dans sa globalité est essentiel. Tout comme le corps est imbriqué et interdépendant à la psyché, le handicap de ces enfant est influencé et influe réciproquement leur personnalité. Difficile alors de présenter un accompagnement type de ces enfants tellement celui-ci dépend de la singularité de chacun. Néanmoins, un aspect de l’accompagnement de ces enfants m’a semblé constant ; il s’agit du lien à créer avec eux.  

    Ma question principale de ce mémoire est donc la suivante :

    En quoi la relation éducative permet-elle de soutenir les potentialités des enfants en situation de handicap en I.M.E ?

     Selon le dictionnaire ROBERT, la relation éducative est définie par « un lien de dépendance et d’influence réciproque qui permet d’assurer la formation et le développement des êtres humains ». Cette notion est approfondie par P. GABERAN qui explique que « la relation n’est pas un processus de réparation ou de normalisation mais qu’elle est un temps et un espace à la fois instables et sécurisés, au sein desquels une personne requise pour ses compétences en aide une autre à passer du vivre à l’exister. C’est-à-dire à passer d’une manière d’être là au monde sans que la personne concernée l’ait ni voulu ni accepté, et sans qu’elle ait les moyens de faire autrement que de subir les événements et le temps qui passe, à une manière d’être au monde par laquelle elle apprend d’abord à s’accepter telle qu’elle est afin d’advenir à ce qu’elle veut être [2]».

     Ma première impression à mon arrivée sur le groupe d’enfants était celle d’un climat de sérénité et de respect mutuel entre les enfants et ma référente de stage. Je me suis alors attardé sur l’influence de l’attitude de l’éducateur dans la création d’un climat propice à soutenir chaque enfant dans ses initiatives. Rapidement la continuité de la qualité de présence de ma référente m’a interrogé non seulement sur son attitude mais plus généralement sur la relation éducative qu’elle établissait avec ces enfants. Je me suis aussi questionné sur le sens de cet accompagnement. Travailler à l’épanouissement de ces enfants est-ce une mission de second plan dans cette institution ? Est-elle indissociable d’un projet d’autonomisation de l’enfant si souvent mis en avant ?

     Pour tenter de répondre à ces questions, mon hypothèse de départ a été de définir la relation éducative comme un espace où un enfant en lien avec un adulte va pouvoir se construire et développer ses potentialités propres en accord avec son projet personnel. Le terme « potentialité » me paraissait le plus à même de représenter les spécificités de développement de chaque enfant, en respectant leur singularité. Il est défini comme « l’ensemble des ressources dont dispose un individu[3] ». Cette notion induit que chaque enfant dispose de capacités latentes ou apparentes qu’il doit pouvoir découvrir et expérimenter à son rythme.

     Nous aborderons dans un premier temps, l’enjeu de la rencontre dans la découverte de chaque enfant et ses potentialités. Ce moment sera questionné au travers de l’influence de l’attitude du professionnel et par les possibilités de rencontre des enfants que j’ai suivi, tout en tenant compte des spécificités des missions de l’IME. La seconde partie sera consacrée à l’importance d’une continuité du lien entre enfant et professionnel. Nous aborderons ici le cheminement à parcourir par la dyade « enfant-professionnel » afin de permettre l’expression des potentialités de l’enfant tout en mettant en évidence les difficultés existantes à maintenir cette continuité du lien. Nous terminerons par questionner la nécessité de penser la relation éducative à travers une réflexion impliquant un travail en équipe pluridisciplinaire et l’accompagnement des familles afin d’assurer le développement et l’épanouissement des enfants dans cette institution.

    I-      L’ENJEU DE LA RENCONTRE DANS LA RELATION EDUCATIVE POUR DECOUVRIR LES POTENTIALITES DE L’ENFANT

    1-    L’Institut médico-éducatif, un lieu propice à l’éveil des potentialités des enfants ?

    A)     Les valeurs et missions de l’institution :

    L’IME où j’ai effectué mon stage est une structure médico-sociale (lieu d’éducation et de soins) qui accueille 46 enfants de 3 à 14 ans présentant un handicap mental et des troubles associés. Les enfants y sont accueillis en externat du lundi au vendredi, de 9h à 16h00.  Les diversités de projets existant dans des structures telles que les IME illustrent fréquemment les conceptions et valeurs soutenues pour l’éducation des enfants en situation de handicap. Lors de mon entretien d’admission puis ensuite durant ce stage, j’ai pu observer que ce lieu se voulait en adéquation avec des valeurs qui m’étaient chères, tel que le respect de l’individualité et de la dynamique de développement de chaque enfant. Ce lieu n’est rattaché à aucun courant de pensée spécifique (ni psychanalytique, ni comportementaliste). Il a été créé dans les années 70, par une association locale de parents, dans l’idée de favoriser l’épanouissement et l’autonomie des enfants handicapées mentaux. On retrouve cette idée dans le projet d’établissement actuel, ou l’approche éducative est définie « par la prise en compte des besoins de l’enfant […] afin de lui assurer un accompagnement qui favorise son épanouissement ».

    De plus cette institution se définit principalement par sa fonction sociale, l’idée étant d’offrir à l’enfant un espace de vie et d’expérience en dehors de sa famille qui ne se réduit ni aux apprentissages ni à une rééducation[4]. Ce lieu accueille donc des enfants qui du fait de leur handicap nécessitent un accompagnement plus étayé (présence de professionnel du milieu éducatif, paramédical, médical et psychologique) et plus individualisé. L’IME à travers cette spécificité de soins et d’éducation, est donc un lieu favorisant l’éveil global de l’enfant tout en tenant compte des particularités de prises en charge médicale, paramédicale et psychologique nécessaires à son bien être.

    Les enfants évoluent au quotidien dans des groupes de 5 à 6 enfants en présence d’un éducateur dit de référence. Le groupe est défini dans cette institution comme étant « le lieu où l’enfant expérimente ces possibilités, son éveil, sa créativité, son autonomie et où peuvent être repérés de manières privilégiés ces difficultés et potentialités dans les circonstances de la vie quotidienne ». C’est ainsi que j’ai participé à l’accompagnement quotidien de cinq enfants au côté de ma référente de stage, de formation éducatrice spécialisé, qui sera appelée Caroline tout au long de ce mémoire.

    Ce groupe d’enfants est qualifié comme celui des « moyens »au sein de l’institution. En effet, les enfants étaient considérés comme trop âgés pour faire partie du groupe des 3/6 ans mais néanmoins leur autonomie et leur profil correspondaient peu aux groupes des « grands » dont le projet est de les préparer à rejoindre un parcours professionnel adapté (en IMPRO par exemple). Ainsi chaque groupe d’enfants possède une salle de vie attitrée et une organisation établie par l’éducateur en fonction du profil des enfants accueillis. Un programme hebdomadaire est établi pour l’année à chaque enfant en fonction de ses centres d’intérêts. Ce planning réfléchi par l’équipe des éducateurs, intègre des activités journalières se déroulant dans sa salle de vie, une salle d’un autre groupe ou à l’extérieur de l’I.M.E en tenant compte des différentes prises en charge (paramédicales, psychologique, etc.). Les seuls temps communs à chaque groupe d’enfants sont ceux de l’accueil du matin situé dans un hall d’accueil, le repas du midi au réfectoire suivi d’une récréation et le départ de l’IME.

    Les valeurs essentielles de l’institution se reflètent à travers les critères de constitution des groupes d’enfants. Les groupes étaient cités comme « mixte et hétérogène en ce qui concerne les âges et les difficultés des enfants[5] ». La mixité était souhaitée afin d’éviter une ségrégation en interne par la pathologie ou les symptômes et la mixité des âges était motivée par une socialisation basée sur l’entraide.

    B)   Présentation des enfants :

    Le groupe que j’ai suivi était emprunt de cette diversité. Les enfants étaient âgés de 5 à 11 ans et avaient des profils tout à fait singuliers que ce soit dans leur capacité à rentrer en relation ou à s’exprimer. Cette diversité d’enfants a été un facteur important quant au choix de la thématique de mon mémoire et plus particulièrement sur l’idée de les rencontrer à travers leur singularité. Afin que vous puissiez avoir un aperçu des enfants que nous retrouverons dans différentes observations, voici une brève présentation des cinq enfants :

    Moussa : Moussa est un enfant âgé de 5 ans, d’origine malienne et présentant une trisomie 21. C’est le plus jeune de ce groupe et il vient d’intégrer l’IME à la rentrée de septembre. Moussa n’a pas encore acquis le langage mais sait se faire comprendre par sa connaissance de nombreux signes de base MAKATON (Langage signé et parlé) tel que « oui/Non », « toilettes », « Papa » accompagnés pour certains mots d’un début de verbalisation. Son attitude tout comme ses mimiques faciales sont assez expressives (fronce les sourcils, baisse la tête et croise les bras lorsqu’il n’est pas content, mains devant les yeux). Il a néanmoins quelques difficultés à se repérer dans le temps et l’espace et parvient peu à anticiper des moments situés quelques heures en amont par exemple. Il se montre très intéressé par les activités motrices, de manipulation et d’exploration des espaces qui l’entourent (grimper, sauter, se cacher).

    Joachim : Joachim est un enfant de 8 ans, d’origine indienne qui a été diagnostiqué d’une « psychose infantile ». Il n’a pas accès au langage et s’avère très peu expressif que ce soit au travers de ses gestes ou de ses mimiques. Néanmoins, j’ai pu l’entendre babiller à quelques reprises durant l’année dans certaine conditions particulières (dans un siège auto en voiture). Ses centres d’intérêts sont assez restreints et principalement portés sur les aspects sensoriels de l’environnement » qu’il soit visuel (variation de lumière), auditif (musique), tactile (le sable à toucher) ou proprioceptif (le vélo).

    Maëlle : Maëlle est une enfant de 8 ans atteinte d’une maladie génétique rare. Elle est très curieuse et facilement attirée par tout ce qui l’entoure (Objet, adulte). Elle parle principalement par l’intermédiaire de « mot- phrase » et son langage est avant tout un descriptif de ce qu’elle perçoit de son environnement. D’ailleurs son rapport entre le réel et l’imaginaire est souvent difficile à distinguer pour l’adulte au vu de ses propos (ex : parle d’un « château de neige » pour parler d’un flan à la vanille). Elle se déplace fréquemment sur la pointe des pieds et à une démarche paraissant sans cesse déséquilibrée. Elle tournoie facilement sur elle-même lorsqu’un objet qu’elle tient entre les mains l’intéresse. Elle possède des centres d’intérêts assez restreints souvent basés sur des dessins animés pour enfant (Tchoupi).Concernant l’acquisition de la propreté, elle est encoprétique et porte donc des couches au quotidien. Maëlle a une tolérance à la frustration assez faible. Elle est également rapidement fatigable durant la journée.  

    Rama : Rama est une jeune fille d’origine congolaise de 11 ans présentant une Trisomie 21. Elle parle mais avec une synthase et un vocabulaire restreint. Elle est très attachée à sa mère à laquelle elle fait fréquemment référence à travers des thèmes tels que la cuisine, le chant et la danse. Ces thèmes sont d’ailleurs ces principaux supports de jeux au quotidien. Elle peut facilement s’opposer du fait de son humeur ou bien du fait de l’attitude ou des propositions de l’adulte. La culture congolaise a également une grande importance dans son quotidien.

    Jennifer : Jennifer est une jeune fille de 11 ans. Elle parle malgré des difficultés de syntaxe et un vocabulaire assez limité. Son attention est labile tout comme ses émotions. Elle peut en effet soudainement se mettre à rire à des moments qui ne s’y prêtent pas ou au contraire pleurer au milieu d’une activité qu’il lui plait. Ses centres d’intérêt sont principalement liés aux dessins animés auxquels elle fait fréquemment référence (Walt Disney) et principalement « les sirènes ». Elle est, à ce titre, très intéressée par le fait d’aller à la piscine (avec l’IME) et s’avère être une bonne nageuse. Elle apprécie les activités manuelles à conditions qu’elle les ait initiées. (Dessin, découpage, collage).

    Les rencontres avec ces enfants m’ont interrogé sur l’importance de l’implication du professionnel et sur les voies de rencontre que nous proposent ces enfants aux capacités singulières. Nous allons maintenant explorer les enjeux et conditions qui me paraissent essentiels pour rencontrer et découvrir ces enfants en situation de handicap.                .                                                                                                                           

    2-    ACCUEILLIR POUR DÉCOUVRIR : L’ATTITUDE DE L’ADULTE, UN LEVIER DE LA RENCONTRE 

    A propos de la rencontre : « La qualité de l’instant de rencontre est essentielle. La rencontre serait, en résumé, l’outil du tisseur, le métier à tisser sans lequel il est difficilement possible d’obtenir un résultat final satisfaisant. [6]» Maurice TITRAN

    En arrivant à l’IME, un de mes premiers questionnements concernait l’attitude de l’éducateur référent. En effet, j’ai constaté que pour certains professionnels, le rôle de référent affectif semblait découler du statut d’éducateur référent. Il semblait alors négliger le temps nécessaire à la construction d’un lien de confiance avec l’enfant. Pour parvenir à instaurer cette relation de confiance, il me parait en effet important de commencer par prendre le temps de la rencontre. Ce temps de la rencontre passait en premier lieu par l’accueil réservé à l’enfant.

    Un des moments marquant de mes journées de stage est celui de l’accueil du matin. Pour information, les enfants étaient conduis en taxi jusqu’à l’entrée de l’institution où les attendaient l’ensemble des éducateurs.  A chaque vague de taxis, on pouvait apercevoir un groupe de cinq, six enfants passer simultanément la porte du hall avec des expressions toutes singulières. De l’étonnement de certains en retrouvant leur éducateur, aux visages intrigués d’autres, les réactions de ces enfants reflétaient leur sensibilité au changement de climat que représente ce passage du milieu familial à l’institution. Si les réactions des enfants étaient variées, celles des professionnels accueillant l’étaient tout autant. J’ai pu observer ainsi un panel d’attitude des éducateurs (éducateur au sens de « toute personne qui accompagne quelqu’un au cours de la vie ordinaire [7]», englobant ainsi tous les professionnels de l’IME). Des petites attentions adressées à l’enfant sur la nuit qu’il venait de passer à une indifférence de ces derniers, l’accueil des professionnels m’est apparu comme un enjeu essentiel dans la rencontre avec ces enfants.

    Notre attitude au moment de l’accueil, en plus d’être le témoin de nos affects et de notre disponibilité, est aussi pour moi l’illustration de la considération que nous portons à l’autre. Accueillir l’autre est une démarche essentielle du professionnel pour rencontrer ces enfants. La définition se rapprochant le plus de mon expérience à l’IME reste celle-ci : « Accueillir l’enfant, cela ne s’apprend pas dans des livres. C’est une attitude intérieure d’ouverture et de partage. Accueillir ce n’est jamais se mettre en avant, c’est toujours laisser l’autre s’avancer. Voilà pourquoi l’accueil reste toujours une aventure.[8] ». Cette aventure selon moi, c’est avant tout le cheminement de la construction du lien adulte/enfant permettant à l’enfant de se sentir libre d’exprimer pleinement ses potentialités.

    La création d’un lien sécure avec un adulte lors d’une rencontre authentique me semble le fondement nécessaire à l’émergence des potentialités de l’enfant par la suite. Dans le prolongement de cette idée, J. BOWLBY disait à propos de la notion « sécure » que « le bonheur et l’efficacité créative sont à leur maximum chez les êtres humains de tout âge, lorsque ceux-ci sont assurés de la présence d’une ou plusieurs personnes de confiance[9] ». Il est donc nécessaire pour l’adulte de questionner son attitude pour permettre une création d’un lien authentique et individualisé avec l’enfant. L’attitude de l’adulte lors de l’accueil constitue donc la clé de voute de la rencontre « enfants et professionnel ». C’est en ce sens que notre attitude se trouve être le principal vecteur des valeurs de notre accompagnement de l’enfant.

    C’est à partir de cette attitude que va être rendu possible une rencontre où chacun va pouvoir apprendre à connaitre l’autre. C’est ainsi que M. TITRAN nous explique l’enjeu considérable de la rencontre durant l’accueil : « Plus nous aurons la compétence d’accueillir ces enfants avec leur différence, plus nous serons capables de les aider à acquérir une communication, et plus ils seront capables de nous faire participer au monde qu’ils perçoivent, qu’ils ressentent, qu’ils analysent et donc tous les enrichissements qu’ils sont capables de nous en apporter[10] ». L’accueil de l’enfant marque ainsi les prémices d’une construction d’un lien sécurisant avec l’adulte. Ce lien nous permettra par la suite de pouvoir comprendre l’enfant et de soutenir ses potentialités à travers un vécu d’expérience commun. Le point de départ de ces expériences communes commence par une réflexion sur notre capacité à accueillir l’autre et instaure donc un questionnement avant tout basé sur nous même et nos attentes.

    A)    S’écouter soi pour prendre en compte l’enfant :

    a)     Une écoute de nos ressentis pour que l’enfant soit partenaire de la relation :

    Accueillir parait une évidence dans nos métiers basés sur la relation à l’autre. Mais qu’elle posture adopter avec ces enfants qui nous intriguent, nous fascinent ou nous dérangent ? La première chose pour qu’un lien puisse apparaitre est avant tout que le professionnel permette à l’enfant d’avoir une place de partenaire dans la relation « enfant-professionnel ».

    Cette place de partenaire de l’enfant débute par une prise de conscience de nos ressentis, affects et attentes pour ne pas biaiser la perception de l’enfant que nous rencontrons. Un effort d’écoute de soi est alors nécessaire. Cette écoute doit être vue comme une auto-observation de soi-même afin de ne pas réfuter ou banaliser nos affects mais de les reconnaitre. La reconnaissance de ces dernières nous permet par la suite de pouvoir prendre conscience de l’influence de nos ressentis dans nos actions au quotidien. Il nous sera alors plus facile de discerner nos propres interprétations, des messages que nous donnent à voir l’enfant. 

    Cependant cette recherche d’authenticité de notre part est toujours relative car il ne s’agit pas simplement de s’écouter soi même en permanence mais de rester spontané « en étant concentré sur soi et détendu par rapport à l’autre [11]».  C’est seulement suite à ce travail qu’il nous sera possible de dégager une attitude authentique dans la rencontre avec ces enfants. Cette écoute vise donc à mieux se connaitre dans l’idée de mieux reconnaitre l’enfant qui se présente à nous. Cette idée rejoint la perception de C. ROGERS lorsqu’il évoque son souhait de « confirmer l’autre » lors de ces thérapies. Il définit cette notion ainsi : « Confirmer l’autre, c’est faire confiance à sa créativité, et l’aider à la mettre en œuvre. C’est accepter toutes ses potentialités, c’est l’aider à laisser celles-ci se développer et s’épanouir.[12] ».

    [ Lors de mon premier jour de stage, j’aperçois Moussa, debout à coté d’une table à observer l’agitation ambiante de la foule d’enfants qui se précipitaient dans le hall d’accueil. J’arrive vers lui accroupi pour me tenir à sa hauteur et lui dis « Bonjour Moussa ». A ce moment là, il me regarde intrigué, met ses mains telles des griffes à côté de son visage et rugit en me montrant toutes ses dents.  Je lui réponds d’un sourire puis à mon tour, je fais de même. Il rit et part un peu plus loin et recommence son grognement avec un regard plein de malice en ne me quittant pas des yeux. Ce jeu a duré jusqu’à notre départ du hall d’accueil. Le lendemain et durant mes premiers mois, l’imitation du lion a fait office de notre « Bonjour matinal »]

    Cette situation illustre pour moi la confiance accordée à la créativité de l’enfant dans sa manière d’entre en relation. Elle montre l’importance pour l’adulte d’être à l’écoute des messages de l’enfant lors de la rencontre (traduit ici par l’imitation du rugissement de Moussa) et de ne pas se sentir menacé par l’aspect inhabituel de la communication. Ainsi si reconnaitre les messages de l’enfant parait nécessaire afin que l’enfant puisse s’exprimer et s’épanouir, on voit également que cela nécessite d’être à l’écoute de nous même pour s’adapter à l’enfant. Cette adaptation est nécessaire afin de le reconnaitre comme acteur de la rencontre et non comme simple spectateur. S’adapter implique de changer nos façons de concevoir ce moment de la rencontre. Mais comment rester soi même en changeant nos façons habituelles d’entrer en contact avec ces enfants ?

    C. ROGERS nous indique que pour rester soi même, il faut accepter de changer car « la permanence c’est le changement [13]». Ainsi « plus je m’accepte, plus je respecte le processus qui me porte et que j’incarne, moins j’ai le désir de vouloir le changer… et plus il change spontanément[14] ». Ces rencontres avec ces enfants m’ont ainsi profondément changé sans pour autant que je n’exprime le désir de ce changement. Il s’est véhiculé par l’écoute que je leur apportais ainsi que la mienne. En effet, jamais je n’aurais pensé au début de ce stage saluer un enfant en lui rugissant dessus ! C’est donc cette démarche d’écoute réciproque qui me semble gage du respect de chacun. Cette écoute de nos émotions est la condition essentielle pour ne pas trop influencer l’autre. C’est-à-dire qu’il faut aller à la rencontre et « préserver la distance qui nous sépare pour qu’aucun d’entre nous ne se sente menacé par la rencontre[15] ». Si nous souhaitons établir une relation de qualité permettant à l’enfant de développer sa personnalité propre, elle passe obligatoirement « par la reconnaissance de l’autre » débutant par une écoute de soi.

    b)     Un repérage de nos limites personnelles pour une rencontre authentique :

    Ainsi se connaitre soi même et identifier ses limites au gré des rencontres était un enjeu de fond durant ce stage. Cette notion de « limites » questionne tant nos limites personnelles dans la relation avec l’autre que les limites que l’on propose ou impose aux enfants. Ces dernières étaient amplifiées selon moi du fait même de la différence de ces enfants qui déstabilisait nos repères habituels. Ces limites se résumaient pour moi à cette question quotidienne dont nous ne pouvions pas faire l’économie auprès d’enfants en situation de handicap : « Suis-je assez fort dans ma propre indépendance pour ne pas être déprimé par sa dépression, angoissé par son angoisse ou englouti par sa dépendance [16]? ».C’est à travers ce premier questionnement sur soi même et une écoute et une reconnaissance de nos limites que peut apparaitre un second temps de réflexion pour questionner notre capacité à favoriser l’émergence des potentiels de chaque enfant : « Suis-je capable d’accepter toute les facettes que me présente cet individu, de le voir comme une personne en devenir, ou vais-je être ligoté par son passé et le mien ?[17] ».

    Ce regard dégagé d’attentes et d’a priori est une des conditions propice à une relation éducative « enfant-professionnel » soutenant les potentialités de l’enfant.

    Pour parvenir à déceler nos propres limites, nous nous devons d’être à l’écoute de nos affects tel que la compassion, l’admiration, la pitié que C. BELARGENT qualifie comme « des ennemis de l’alliance[18] ». Nous devons être soucieux d’écouter ces ressentis au contact de ces enfants en situation de handicap si nous ne voulons pas qu’ils deviennent des limites à une rencontre authentique.

    Le risque serait de restreindre notre perception de l’enfant à nos propres difficultés et laisserait ainsi l’enfant « dans son monde différent [19]». Nos limites se voient d’ailleurs fréquemment mises en lumière en présence d’un enfant singulier. Par exemple certains enfants du fait de leur mutisme ou de leur difficulté d’entrer en relation peuvent troubler les professionnels. Ces enfants généralement s’ils ne possèdent pas de troubles du comportement importants sont les premiers oubliés de la rencontre, comme pouvait l’être Joachim, un des enfants du groupe que j’ai suivi.

    Une attention aux affects cités précédemment est alors nécessaire. Le risque de se laisser porter par ces ressentis serait d’induire une asymétrie de la relation où l’enfant n’est pas perçu comme un individu en devenir mais comme un individu dépourvu de besoins et de capacités propres.

    Il nous est alors essentiel de questionner « ce qui nous dérange » chez ces enfants. A travers ce questionnement, il sera peut être possible d’identifier les causes de cette appréhension pour ensuite nous permettre de revoir notre manière de rencontrer et d’établir un lien avec ces enfants.

    c)     Un partage compréhensible de nos émotions à l’enfant :

    Si un travail sur notre écoute est essentiel auprès des enfants, il est nécessaire de pouvoir exprimer de manière compréhensible les émotions qui nous traversent et qui peuvent altérer la qualité de notre relation à l’enfant. Nos émotions sont rarement intelligibles pour les enfants sans une verbalisation adéquate. Celle-ci permet de rééquilibrer la relation « adulte-enfant » en engageant une réciprocité de l’échange. Cette reconnaissance des difficultés de chacun, transmis de manière accessible à l’enfant instaure une base de compréhension mutuelle qui vient étayer la relation « enfant-professionnel ».

    [ A la fin d’un atelier d’éveil musical, Caroline (ma référente) est à l’infirmerie avec un enfant qui venait de se blesser. Je termine la séance et explique aux enfants qu’on va pouvoir ramasser les instruments et aller se reposer en salle snoezelen. Tout les enfants prennent un instrument et partent dans le couloir excepté Rama (11ans) qui refuse d’en prendre un. Je suis alors partagé entre inciter Rama à nous suivre et accompagner les enfants qui déambulent avec leurs instruments sans savoir où aller. Après lui avoir demandé de nous suivre deux fois de suite sur un ton de plus en plus insistant, je m’agace et lui dit d’un ton exaspéré « tu n’as qu’à nous suivre ». Après avoir accompagné le groupe d’enfant auprès de ma référente, je retourne voir Rama. Je la retrouve alors assise par terre, à côté de la porte de la salle du groupe, tête baissée et avec un regard fermé. Je m’apprêtais à lui demander une nouvelle fois de prendre un instrument toujours agacé par sa réaction. Je m’accroupis alors en face d’elle et je lui dis alors : « Pardon, je suis désolé, tu es fâchée parce que je me suis énervé ? Elle me répondit alors en levant la tête : « Oui ». Je repris d’un ton apaisé : « Tu veux bien prendre le piano ? ». Elle me répondit alors fermement «Non ». Je souris alors et lui dit « Ah tu veux prendre le piano avec moi alors ? ». Elle esquisse un sourire et me dit « Oui » en se levant pour aller chercher le piano, dernier instrument de la salle.  Nous partons alors en portant tous les deux le piano. Dans le couloir qui nous menait à la salle snoezelen, je ris en disant à Rama «je suis nul de m’énerver comme ça », l’esprit léger d’avoir débloqué cette situation. Elle me répondit en souriant « T’es bête damiou ».]

    La reconnaissance de nos limites est importante, l’exprimer de manière adaptée à chacun l’est davantage. Ce fut par exemple le cas quand j’ai partagé mes émotions avec Rama au lieu d’insister pour qu’elle me suive. De même, le fait de poser des mots sur ses ressentis (« Tu es fâché») souligne cette idée d’une réciprocité de l’échange entre l’enfant et l’adulte.

    Cela soutient le principe clé évoqué au départ qui est de considérer l’enfant comme un partenaire de la relation « enfant-adulte ». Cela s’associe à une humilité nécessaire dans notre travail avec ces enfants. Cette notion d’humilité n’a rien à voir avec l’idée de « céder aux caprices de l’enfant ». Elle invite à éviter un rapport de force inutile entre enfant et professionnel en privilégiant les diverses possibilités d’accompagner et de rencontrer ces enfants.

    L’écoute de nos ressentis et de nos limites ainsi que le partage à l’enfant de manière compréhensible est donc une des base de la rencontre où l’on considère l’enfant comme un partenaire de la relation. C’est à partir de là que nous pourrons laisser une place à l’enfant pour qu’il nous donne à voir sa compréhension du monde et de son environnement.

    B)   Se laisser guider par les enfants :

    Comme nous l’avons évoqué, la notion d’accueil nous incite à laisser venir l’autre à notre rencontre. Les enfants accueillis en IME sont certes différents des enfants que nous sommes amenés à rencontrer dans les structures petites enfances. Nous apparaissons rapidement désemparés si nous tentons de leur faire appliquer notre logique propre dans une idée parfois non consciente de « réparer ces enfants » où de compenser leurs difficultés dès que possible. Dans l’idée déjà évoquée d’une réciprocité de l’échange, ne pouvons-non pas considérer qu’ils ont eux aussi des choses à nous faire découvrir ? Alors si nous voulons accompagner ces enfants sur le chemin qui mène à leur individualité propre, si nous voulons réellement tenter de les comprendre, laissons nous guider par ces enfants.

    a)     Une implication physique et psychique de l’adulte pour comprendre l’enfant :

    S. KORFF-SAUSSE dit de cette idée de se laisser guider par ces enfants qu’elle serait « comme un voyage qu’il faudrait aborder avec un esprit authentique de voyageur, c’est-à-dire d’ouverture et d’absence de préjugés, de disponibilités[20] ». C’est à travers cette attitude que nous pourrons percevoir «qu’il y a toujours quelque chose qui se dit, même dans le silence, et il y a toujours quelques chose à comprendre même dans l’absurde [21]» :

    [ Lors d’une récréation du midi, le temps est au beau fixe avec un grand ciel bleu. Je suis debout à côté d’un toboggan à observer Joachim (8 ans) et les éducatrices sont assises sur un banc à discuter avec des enfants. Joachim marche rapidement autour d’une table installée à quelques mètres de moi. Il arrête soudainement sa course, prononce des petits « HUM HUM HUM »et fait papillonner ses mains tout en penchant sa tête sur le côté avec un visage fermé. Je regarde alors le ciel, et ne voit rien sinon un immense ciel bleu. Je m’approche alors de quelques pas derrière lui et commence à imiter sa position. A ce moment, je remarque un avion dans le ciel qui s’apprêtait à disparaitre de notre champ de vision. Je lui dis alors en souriant « Ah mais tu regardes l’avion ! » et il pointa instantanément du doigt ce petit point fuyant dans le ciel. ]

    Cette implication psychique est ici représentée dans cette situation par mon ouverture et ma disponibilité pour rencontrer Joachim à travers une implication physique marqué par mon imitation de sa posture. S’impliquer pour rencontrer l’autre tant physiquement que psychiquement est une nécessité si nous souhaitons découvrir l’autre et non rester aux portes de sa compréhension du monde. Cette conception est ainsi illustrer par le proverbe de CONFUSIUS :« Dis-moi, et j’oublierai ; montre-moi, et je me souviendrai ; implique-moi, et je comprendrai[22] ». Impliquons nous alors « avec suffisamment de tact, de légèreté et de respect de sa propre dynamique [23]» auprès de ces enfants. Laissons-les nous surprendre en prenant part à leur quotidien sans les catégoriser pour qu’ils puissent progressivement laisser émerger leur personnalité et leurs potentialités.

    Néanmoins cet engagement corporel et psychique possède ses limites. En effet, bien que l’idée de « se mettre à hauteur des enfants » soit largement répandue chez les professionnels de l’enfance, cette implication lorsqu’elle exige des mises en scène véhiculant des idées reçues de « non-sens » ou de « pratique non-professionnelle » peut facilement amener à une réticence des professionnels. Il est important de voir que l’enjeu de cette implication ne se résume pas à des enjeux personnels. Cette implication représente une réelle opportunité de rencontre et de dialogue avec ces enfants. Notre mission étant de favoriser l’épanouissement des enfants accueillis, nous nous devons de ne pas d’être dans une attente de résultats mais bien une attente de moyens mobiliser par les professionnels pour rencontrer ces enfants aux capacités singulières. Ces moyens s’illustrent principalement par notre capacité à nous impliquer, nous adapter à des situations inédites et à nous reconnaitre comme témoin des messages que nous adresse l’enfant.

    C’est en nous laissant emmener par ces enfants qu’une véritable preuve de notre confiance en leurs capacités leur sera offerte. Il est vrai que chaque rencontre avec un enfant nous réserve des surprises, que nous désirons autant que nous les appréhendons. Mais cet étonnement à la découverte de l’autre est une nécessité dans notre accompagnement car comme le dit M. ABGRALL : « la rencontre est toujours surprise, sinon il n’y a pas de rencontre [24]».

    b)     Une posture d’apprenant de l’adulte pour soutenir les compétences de l’enfant :

    Parallèlement à l’idée de se laisser guider par l’enfant, le terme de « réciprocité de la rencontre » sous-entend une découverte mutuelle des deux individus, où nous découvrons la personnalité de l’enfant autant qu’il découvre la nôtre. Un échange réciproque entre l’enfant et l’adulte est essentiel. Pour qu’il puisse avoir lieu, il est nécessaire de questionner notre posture en acceptant de nous mettre en situation « d’apprenant » auprès des enfants. Nous laissons alors la possibilité à l’enfant de nous dévoiler ces différents ressources et savoirs.

    [ Maëlle (8 ans) est d’une nature spontanément curieuse. Durant mes premières semaines de stage, Maëlle me demande quotidiennement ainsi qu’a ma référente : « Qu’est ce c’est ? » en pointant du doigt tout ce qui l’interroge. D’une manière on ne peut plus systématique je m’exécutais à sa demande en lui répondant l’objet ou la personne qu’elle désignait. Mais ma réponse n’entrainait aucune réaction de Maëlle qui se précipitait à poser une nouvelle question en pointant un nouvel objet. Et ainsi de suite. Quelques jours plus tard, j’observais la scène se reproduire à nouveau dans notre salle de vie, où Maëlle commençait son interrogatoire auprès de Caroline (ma référente). Elle tenait une poupée dans les mains, et posait comme à l’habitude sa fameuse question. Caroline lui répondit d’un ton calme : « Bah je ne sais pas moi, c’est quoi ? » et Maëlle s’extasia de nous dévoiler sa réponse « poupée ! »]

    Cette intervention de ma référente m’a alors fait prendre conscience de l’importance pour l’adulte de se mettre en situation de recevoir et d’apprendre des enfants. Jouer à ne pas savoir est une posture fondamentale dans la découverte des enfants notamment psychotique[25]. D’une part elle permet un point de rencontre avec l’enfant et d’autre part une fois cette logique comprise elle permet à l’enfant d’être reconnu à travers ses connaissances et compétences. Cette démarche permet donc à l’adulte de soutenir l’enfant au plus près de son développement et de ses capacités à travers la construction d’un lien « enfant-adulte » où chacun se voit mutuellement acteur.

    C)   L’attitude de l’adulte, un enjeu dans l’expression des potentialités de l’enfant :

    a)      La cohérence de l’attitude de l’adulte, un appui pour l’expression de l’enfant :

    Si l’attitude de l’adulte est abordée comme un levier de la rencontre dans la création du lien « enfant-professionnel », c’est notamment du fait qu’elle permette sous certaines conditions de favoriser le sentiment de compétence de l’enfant. Le terme de « compétence » signifie « l’aptitude d’un organisme à entrer en interaction effective avec son environnement [26]».  Alors, si nous souhaitons que l’enfant puisse nous donner à voir ses capacités, il doit pouvoir agir sur la relation qu’il construit avec l’adulte. Cet ajustement mutuel avec des enfants n’ayant pas accès au langage m’a fait prendre conscience que nos échanges étaient surtout basé sur du langage non verbal.

    La création du lien avec l’enfant se développe donc au début de la rencontre par « un dialogue tonico-émotionnel ». Ce dialogue tonique définit par J. AJURIAGUERRA est un mode de communication privilégié « entre la mère et son enfant quand il n’y a pas d’échange de paroles[27] ».  Il est « le reflet des états émotionnels des deux partenaires avec la possibilité d’une transmission de l’un à l’autre ». Il se trouve être à la base du lien entre une mère et son bébé mais également comme dit plus haut,  une base à la création d’une relation « enfant-professionnel » lorsque l’enfant n’a pas accès au langage.

    C’est donc à travers cette voie d’accès, issu d’une écoute du corps et des sensations de l’enfant et de l’adulte que le partage des émotions fonde le socle d’une relation.  Ainsi, s’il est fréquent d’entendre dire qu’il est difficile de communiquer avec des enfants en situation de handicap du fait de leur non accès à la parole, on voit ici qu’une autre voie de rencontre est possible. Ce langage du corps est d’ailleurs présent chez chacun d’entre nous. En effet « entre toutes les catégories de la communication analogique et non verbale, le premier dispositif dont l’enfant dispose est en réalité le tonus [28]». L’universalité de ce mode de communication qualifié d’« obligatoire et omniprésent [29]» dans la rencontre a donc été une de mes premières pistes de réflexions pour échanger et tenter d’établir un lien avec les enfants.

    Cependant si nous voulons que l’enfant puisse être repéré comme acteur de la relation avec l’adulte, cela dépendant principalement de l’attitude de l’adulte : « C’est seulement si les différents facteurs de notre attitude (tonus, expression mimique, tonalité de la voix) forment « un tout cohérent que pourra émerger progressivement un sens univoque [30]» chez l’enfant. C’est ce sens qualifié de « sens émotionnel » qui précède la compréhension du discours et des mots.

    [ Au moment de l’accueil du matin, Nathalie, éducatrice attend l’arrivée des enfants. Elle observe depuis le hall vitré, l’arrivée des taxis où se trouvent plusieurs enfants de son groupe. Léo arrive en premier en courant vers elle pour la saluer. Nathalie le regarde et sourit brièvement les lèvres serrées et lui dit « bonjour Léo » en redirigeant ensuite son regard vers les taxis. Elle lui dit alors, le regard en direction des taxis et les mains dans le dos, « t’as bien dormi ? ». Léo se précipite pour lui dire « oui » d’un ton enjoué tout en adossant sa tête contre l’éducatrice. L’éducatrice lui répondit d’un ton neutre « Et ben c’est bien » en continuant d’observer l’arrivée des autres enfants. Léo partit alors s’assoir sur le canapé auprès des autres enfants, le visage perplexe.]

    Quand les mots adressés à l’enfant sont sans rapport avec « l’expression mimique, prosodique ou émotionnelle[31] » de l’adulte, associés à des expressions discordantes (un visage pseudo-souriant mais crispé, une raideur tonique avec des mots « gentils »), il est difficile pour l’enfant de pouvoir se repérer dans la relation avec l’adulte et d’en déduire un sens émotionnel. Ainsi s’il est courant de réfléchir sur l’accessibilité des propos adressés à l’enfant, il est nécessaire en parallèle de questionner la cohérence de notre attitude pour qu’émerge un sens émotionnel que l’enfant pourra progressivement repérer et anticiper.

    Comme le dit M-S. BACHOLET« l’émotion anticipée prépare à l’action [32]». Son sentiment d’être partenaire de la relation va être illustré par sa capacité à influencer la relation qu’il entretient avec l’éducateur. L’enfant pourra faire connaitre ses envies et besoins et s’autoriser à découvrir les différentes potentialités qui l’habitent. Mais cela passe obligatoirement par une cohérence de notre attitude avec nos émotions du moment.

    b)     Une constance et un ajustement des propositions de l’adulte à l’enfant :

    Toujours dans l’idée de favoriser l’émergence des compétences des enfants, il est essentiel de voir l’influence des propositions et des choix de l’adulte. Par exemple, il est peu probable que l’on propose une activité chant à un enfant mutique.

     [ Durant un temps de lecture en salle de vie, chaque enfant est invité à venir choisir un livre et le raconter à sa manière. Une place est alors réservée au lecteur sur une chaise en face des auditeurs (enfants et adultes) assis sur un canapé. Les enfants passent les uns après les autres et nous racontent par des bruitages, des gestes, des mots, le livre qu’ils ont sélectionné. Arrive le tour de Joachim. Sans trop de conviction, je lui dis d’un ton calme « Tu peux aller choisir un livre si tu veux ». Joachim frémit alors et se lève soudainement pour choisir un livre. Il choisit alors le livre « Grosse colère ». Il s’installe sur la chaise, ouvre le livre face à nous et baisse la tête en regardant rapidement les images tout en prononçant des « Ti-di-di-di ». Il continue ses vocalises en tournant plusieurs pages, jusqu’au moment de la scène du livre ou le petit garçon crie sa colère en prononçant un « AHHHHHH ». A ce moment il se met à lever la tête au plafond en criant « RAAAAAAAAHH » tout en agitant ses mains en l’air. Il s’arrêta soudainement en fermant le livre et revient ensuite s’installer dans le canapé auprès de nous.]

    La stupéfaction qui suivit ce moment, me fit prendre conscience de l’impact de nos propositions faites à l’enfant. Jusqu’à présent lors de nos moments de lectures, Joachim était davantage observateur qu’acteur. La répétition de nos propositions a surement été un des facteurs important pour qu’il puisse s’approprier ce moment de lecture. Ainsi l’évidence de notre perception et de nos appréhensions des capacités de l’enfant se doit donc d’être remise en question en laissant à l’enfant la possibilité d’exprimer son choix et ces potentialités. Cela nécessite de se dégager d’une attente de production de l’enfant tout en questionnant la pertinence de nos propositions.

     La constance de nos propositions associée à une attention individualisée aux réponses de l’enfant, favorise la découverte des compétences de l’enfant au moment qu’il estimera opportun.

    c)     Une communication indirecte pour être avec l’enfant :

    Un autre aspect important de l’attitude de l’adulte est la nécessité d’utiliser la communication indirecte pour parvenir à rencontrer certains enfants. L’utilisation de ce type de communication a d’ailleurs élargit ma façon d’être auprès des enfants afin que ces derniers puissent m’inviter à prendre part à leur quotidien.  Comme le dit F. HÉBERT « Il y a des choses décisives que nous ne comprenons chez [ces enfants] que si nous nous engageons en inventant des détours singuliers pour les rencontrer.[33]» Ces détours utilisés pour se rendre accessible à ces enfants sont parfois exigeants pour les professionnels desquels ont exigent de « faire un pas de côté » dans la façon de les découvrir et redécouvrir à chaque instant.  Les rencontres de Joachim, jeune garçon mutique, m’ont évoqué un aspect de cette communication indirecte.

    Chaque matin, Joachim était assis sur sa chaise à sa table, et nos « bonjour » quand nous venions l’accueillir semblaient lui glisser dessus au vu du peu de réaction de sa part. Quand nous nous approchions trop, quand nous lui parlions en face à face, il lui arrivait fréquemment de tourner sa tête. J’en étais à me questionner sur l’indifférence qu’exprimait Joachim lors de nos rencontres.

    Après quelques temps, je découvris des écrits de T. BRAZELTON sur la communication auprès de bébés dit « hypersensibles aux stimuli sociaux [34]» . Il y décrit que ces bébés (ceux qui se détournent si on se met à parler, pleurent si on les regarde) ont une telle sensibilité aux stimuli extérieurs que ceux-ci altèrent considérablement leur phase d’éveil. Il explique alors avoir mis en place une stratégie d’une communication indirecte en ne proposant qu’un seul canal sensoriel à la fois au bébé (par exemple : Ne pas parler et regarder en même temps). De même ce stimulus devait lui aussi être évalué dans son intensité et sa durée. Il dit alors avoir trouvé un moyen d’atteindre ces bébés sans qu’ils ne se renferment immédiatement sur eux même. Cette hypothèse de proposer un moyen d’être en contact de manière non intrusive m’a invité à revoir ma façon d’accueillir Joachim :

    [ Comme chaque matin Joachim arrive dans le Hall, jette son sac près du canapé et court s’assoir à table à la place qu’il a fait sienne depuis la rentrée. Après avoir dit « Bonjour » et échangé quelques mots avec des enfants d’autres groupes, je me dirige vers Joachim pour le saluer. Je me positionne accroupi, parallèle à lui afin de ne pas faire croiser nos regards et lui adresse un «bonjour Joachim » non dirigé. Ensuite je lui présente ma main dans sa direction. Il pose alors sa main dans la mienne quelques secondes et l’enlève en souriant brièvement et en agitant ses mains en l’air. ]

    L’intérêt de cette démarche était double : d’une part trouver un point de rencontre respectant les spécificités de Joachim à être avec l’autre et d’autre part laisser la possibilité à Joachim d’être acteur de cette rencontre (traduit par sa main posée). Ces enfants nous incitent alors à rechercher des chemins de rencontre inédits où chacun adulte comme enfant sont respecté dans la découverte de l’autre.

    Dès lors, ces enfants facilement évoqué « sans moyen de communiquer »   nous montrent l’intérêt de l’axiome écrit par P. WATZLAWICK qui est « on ne peut pas ne pas communiquer[35] ». Ce sont plutôt les modalités de la rencontre qui sont à réinventer pour être avec ces enfants. C’est seulement ainsi que nous rééquilibrerons l’échange avec ces enfants. Rééquilibrer cet échange c’est « l’humaniser en montrant qu’on assume notre propre humanité, plutôt que de prétendre savoir ce qui est bon pour eux [36]». C’est dans cette optique que nous allons nous intéresser aux appels à la rencontre que nous adressent ces enfants.

    3-    LES APPELS DES ENFANTS : UNE INVITATION A LA RENCONTRE

    Après avoir abordé l’attitude de l’adulte dans la construction d’une relation éducative, il est important de voir que celle-ci se base avant tout sur les appels proposés par ces enfants. Partir des points de rencontre que nous adressent les enfants est essentiel pour permettre la construction d’une relation. Cela suppose un respect des conditions établies au départ par l’enfant pour pouvoir progressivement cheminer ensemble. C’est au travers du respect de ces prérequis de la rencontre que l’enfant nous donne progressivement à voir l’étendu de ces potentialités.

    A)    Un langage du corps à écouter :

    a)     Les expressions corporelles, témoins de l’intérêt de l’enfant pour une rencontre :

    Une des réflexions principale de mon stage était de découvrir comment rencontrer les cinq enfants de ce groupe. Si le langage des mots était accessible à quelques uns d’entre eux, les limites de son usage m’ont orienté vers un langage plus universel, celui du corps et du mouvement. Pour cela une tentative d’écoute dégagé de « désir et de mémoire[37]» est nécessaire pour s’affranchir autant que possibles de nos interprétations. Ce concept décrit par W. BION prône l’idée de pouvoir rencontrer ces enfants comme si c’était la première fois qu’on les voyait, et d’oublier « nos théories et faire taire nos attentes[38] ». Il disait concernant le handicap que « Les hypothèses, les théories sur les maladies mentales peuvent faire tellement de bruit qu’on ne peut plus entendre ce que disent le corps et le psychisme du patient [39]».

    Il est nécessaire pour nous éducateurs d’être à l’écoute de ce langage du corps sans y projeter nos interprétations car le corps de l’autre est notre principal indicateur de l’état interne de l’enfant.

    En effet, en tant qu’adulte, nous négligeons peu à peu cette écoute du corps au détriment de l’écoute de la parole. L’absence de parole ne justifie pas la négligence de la personnalité de l’enfant, avec ses envies et ses besoins.

    Les expressions corporelles doivent alors être considérées comme un langage. S. FREUD dit en effet que « par langage on ne doit pas comprendre simplement l’expression des pensées en mots, mais aussi le langage des gestes et toute forme d’expression de l’activité psychique [40]”. Le langage du corps de l’enfant est donc en soi un appel à la rencontre.

    [ Durant ma première matinée de stage, je découvre les enfants à table autour d’un chocolat chaud dans leur salle de vie. Je m’assoie au hasard à côté de Joachim. Je le perçois alors se raidir sur sa chaise. Caroline commence à expliquer ma venue puis débute le service du chocolat. Lorsqu’elle propose la collation à Joachim, j’en profite pour observer sa réaction en lui adressant un regard. Il réagit en poussant quelques gémissements suivis d’un mouvement de recul sur sa chaise. Il tourne ensuite entièrement son buste lorsque je dirige mon regard vers lui. A la fin de cette collation de quelques minutes, Joachim se lève et court se précipiter dans le canapé. Il s’allonge alors la tête dans les coussins, en esquissant plusieurs regards furtifs dans ma direction. ]

    Cette observation m’évoque la réponse qu’adresse le renard au Petit Prince lorsque celui-ci lui demande comment faire pour « l’apprivoiser » : « Il faut être très patient. Tu t’assoiras d’abord un peu loin de moi, comme ça (…). Je te regarderai du coin de l’œil et tu ne diras rien (…) Mais, chaque jour, tu pourras t’asseoir un peu plus près… [41] ». Tout comme le renard et le Petit prince, l’enfant nous fait savoir « où et quand un échange est possible[42] ». Joachim ici exprime que mon arrivée n’est pas sans impact sur lui et il me faut alors respecter ces signes de prise de distance pour pouvoir le rencontrer par la suite.

    E. PIKLER disait «qu’il ne faut que quelques jours pour constater que, selon la qualité des gestes de l’adulte, le bébé se crispe ou se détend, non seulement au toucher mais dès que l’adulte s’approche de lui. C’est ainsi que, de façon très précoce, un contact positif ou négatif s’établit entre le nourrisson et la personne qui le soigne.[43] » De la même manière ces indications non verbales sont pour nous des pistes de questionnement essentielles pour évaluer la pertinence de notre ajustement lors de nos rencontres au vu des sensations qu’elles procurent à l’enfant.

    b)     Les expressions corporelles, en attente d’une réponse de l’adulte :

    Les moyens dont disposent ces enfants sont avant tout « des actes expressifs ». Ces actes ont besoin d’être interprétés et traduits par l’adulte, car il constitue les prémices d’un dialogue, d’une réciprocité et donc d’un lien. Plus qu’une traduction, il s’agit même d’une réponse exprimé par des mots ou des gestes. Ce travail est exigeant pour l’éducateur car s’il ne traduit pas avec suffisamment de justesse les expressions de l’enfant « au lieu que s’établisse un système de communication entre eux, peu à peu codé, le message va rester lettre morte dans la mesure où l’absence de réponse adéquate va laisser cet acte, expressif mais en attente de signification[44] ».

    [ Il est 10h et après avoir terminé le chocolat chaud, un temps libre s’improvise en salle de vie. Des demie-tables sont adossées au mur (de temps à autre nous rassemblons ces demie-tables pour en faire une plus grande et proposer des jeux à tables (pate à modeler, sable). Joachim se lève du canapé et reste face à une de ces demi-tables. Je suis moi à table à parler avec Moussa tout en gardant un œil sur Joachim. Il reste fixer sa table quelques secondes, les bras pendant. L’espace d’une seconde, je l’aperçois alors lever brièvement son index en direction de la table. Intrigué, je lui dis « tu peux prendre la table si tu veux Joachim ». Il tressaillit et réagit instantanément en prenant sa demi-table qu’il plaça au milieu de la pièce. Il prit ensuite une chaise et s’assis en nous regardant depuis son nouveau poste d’observation le visage détendu. ]

    Je pensais en moi-même en repensant à ce moment : « Et ça s’est joué à un mouvement d’index », d’où la nécessité d’accorder une place essentielle au détail dans notre observation des enfants. Le geste de Joachim par sa discrétion aurait pu être facilement négligé ou oublié. La demande de Joachim n’aurait alors pas eut de réponse et il n’aurait pas pu aller au bout de son initiative. Suite à ce moment, les demandes de Joachim furent mieux repérées par moi et ma référente. Progressivement notre reconnaissance de ses initiatives s’associa à des actes de plus en plus expressifs de Joachim (il agrippait la table de ces deux mains, tournait la tête dans notre direction où nous lui répondions par un hochement de tête et il débutait alors sa réorganisation des tables). Cet exemple montre ici la nécessité d’une attention aux expressions corporelles de l’enfant en étant vigilant aux détails de ces réactions.

    On perçoit que les manifestations de l’enfant, si elles sont écoutées permettent d’ajuster notre manière de rentrer en contact avec l’enfant. Si au départ, l’initiative de la rencontre est portée par les expressions de l’enfant, ces dernières se voient soutenus et alimentés par une réponse adapté de l’adulte.

    Cette écoute des signaux de l’enfant permet de reconnaitre l’enfant en tant que partenaire actif de la construction du lien. Cela révèle une influence réciproque entre le comportement de l’enfant et celui du professionnel. On perçoit que les initiatives de l’enfant demandent à être entendu par l’adulte pour alimenter ses moyens de communiquer avec l’adulte. A partir du moment où nous respectons les réactions et expressions de chacun, cela autorise une rencontre entre enfant et professionnel.

    B)   Les productions et les pensées des enfants :

    Lorsque nous nous attardons sur cette écoute du corps et des expressions de l’enfant, nous pouvons souvent observer des réactions étonnantes. Si ces réactions nous surprennent et rendent notre ajustement difficile, il est néanmoins nécessaire de les considérer comme un message à accueillir bien que son sens nous échappe. Ce parti pris rejoint celui évoqué par M. LAZNIC : « l’analyste fait le pari qu’en reconnaissant à toute production langagière ou gestuelle, une valeur signifiante et en se constituant lui-même à lieu d’adresse de ce qu’il considère dès lors comme message, l’enfant va pouvoir se reconnaitre après coup comme source de ce message [45]».

    [ Il est 12h55, Nous sortons de table et marchons tranquillement dans un couloir en direction de notre salle de vie pour aller chercher les manteaux des enfants afin de se préparer à la récréation de 13h00. Maëlle se déplace en sautillant sur la pointe des pieds devant moi, le regard papillonnant de part et d’autre du couloir. Soudain, elle se jette par terre à côté d’un meuble. En quelques secondes, son agacement s’amplifie et se traduit par des gémissements et des mouvements de plus en plus agités. Je m’accroupis à côté d’elle et essaye de la prendre par la taille pour la relever. Elle commence alors à crier et s’énerver davantage. Je m’arrête alors et intrigué par son attitude je m’allonge à plat ventre pour essayer de suivre son regard. J’aperçois alors au bout de quelques secondes, une petite bille que je récupère difficilement sous le meuble. Je lui tends la main en demandant « c’est ça que tu voulais ? »  Maëlle se relève toute souriante et prend la bille en continuant son chemin comme si rien ne s’était passé. ]

    On perçoit la nécessité de prendre parti pour toutes productions et pensées de ces enfants. Comme le dit J. LACAN «une parole n’est parole que dans la mesure exacte où quelqu’un y croit.[46]». Cela rejoint l’idée abordée précédemment qu’une pensée peut s’exprimer par le biais d’un langage verbale aussi bien que corporelle. Sans ce parti pris, tout comme au début de l’observation de Maëlle, j’aurais pu passer à côté de ces innombrables points de rencontre que proposait ces enfants. Ces moments de rencontre bien que furtifs, peuvent sembler anecdotiques dans un quotidien rythmé par l’action, mais comme le dit M. LAMOUR« c’est avec des petits riens que l’ont fait de grands liens… [47]».

    C’est selon moi, le cumul de ces points de rencontre au travers d’une journée, d’une semaine, d’une année qui fonde la base du lien auprès de ces enfants. Bien que discrète, l’accumulation de ces rencontres permet l’émergence d’une qualité de présence particulière auprès des enfants, signe d’un ajustement réussi ou du moins en construction. Ces moments de rencontre sont généralement brefs, ne s’exprime que l’espace d’un instant, d’où la nécessité pour l’adulte d’y donner un écho afin de ne pas laisser ces enfants seuls parmi nous.

    C)   Les centres d’intérêt des enfants :

    Si une prise de position concernant les productions de l’enfant est nécessaire, il en va de même quant aux centres d’intérêt des enfants. A de nombreuses reprises, une professionnelle répétait en réunion de synthèse à propos de Rama (11 ans) : « Mais avec elle, on doit dévier tout le temps pour qu’elle nous écoute, ce n’est pas possible ».  Ces détours que nous prenons avec les enfants peuvent paraitre à première vue une façon de plus d’écarter ces enfants d’une normalité idéalisée.  Je pense au contraire que ces détours se trouvent être de réels chemins pour rencontrer ces enfants. Les détours à inventer ne sont pas des stratagèmes pour que l’enfant suive l’adulte mais ils servent à partir sur ce qu’il parait essentiel pour l’enfant.

    Les difficultés pour certains enfants avec handicap de s’ouvrir à l’extérieur se traduisent par des centres d’intérêt limités. Il est intéressant de les considérer comme de véritables points de départ d’une relation avec ces enfants. Comme le dit F. HEBERT « Les stéréotypies sont peut être des jeux avortés, qui attendent la relation pour s’accomplir comme jeux[48] ».

    De plus, l’omniprésence de centres d’intérêt restreint chez l’enfant doit nous inciter à le rencontrer par ce biais plutôt que de lui imposer un point de rencontre qui ne serait motivé que par les intérêts du professionnel. Sachant qu’un centre d’intérêt se définit par « ce qui se manifeste de vivant chez quelqu’un et ce qui le relie au monde[49] », l’enfant nous montre alors qu’il existe un pont entre son monde et celui de l’adulte.

     Le cas de Jennifer, jeune fille de 11 ans, a été une illustration de ce passage par ses centres d’intérêt pour pouvoir la rencontrer. Son principal centre d’intérêt se trouvait être les sirènes et les princesses que l’on retrouvait dans beaucoup d’aspect de son quotidien (elle aime nager, l’eau, construire des sirènes en papiers, les histoires de sirènes et de princesses, etc…).

    [ Un mercredi matin vers 11h, au lieu d’aller rejoindre l’atelier poterie hebdomadaire des enfants, je reste travailler sur un projet de séjour dans la salle de vie où se trouve également Jennifer. Nous nous retrouvons tous les deux à table à travailler chacun de notre côté : Moi sur le projet de vacances et Jennifer sur sa construction journalière de sirène en papier, qu’elle s’applique à tracer, couper, coller et colorier. Je lève un instant la tête de mes documents pour regarder la production de Jennifer qui est visiblement très concentré. Je lui demande d’un ton naïf : « C’est qui que tu dessines ? ». Elle me répond sans me regarder en continuant de colorier : « une sirène ». Je lui réponds alors en replongeant la tête dans mes documents : « Ah d’accord … c’est drôle on dirait Ariel ». Elle redresse alors sa tête en me faisant de grands yeux et dit d’un ton enthousiaste : « Tu aimes la sirène ? » Je lui répondis « Oui je l’aime bien mais j’aime bien « Sébastien », le crabe, il est drôle je trouve ». Elle me répondit en riant « Ah oui !»  d’un grand sourire. Je repris la lecture de mes documents quand au bout de trente secondes, j’entendis : « Et tu aimes Peter Pan ? » Je souris alors et lui dit « bien sur ! » et elle sourit en me disant d’un ton des plus sérieux « Lui il vole Peter Pan ! ». Jennifer laisse alors sa sirène en papier de côté pour discuter et échanger avec moi à propos de nos connaissances et de nos goûts pour Disney. A travers un jeu de questions-réponses amorcé par Jennifer, je décode au fur et à mesure l’étendue de ses connaissances des dessins animés. C’est ainsi que je découvris que «la tête marron et la robe bleu » signifiait « La belle et la bête », « que les jouets qui parlent » évoquaient « Toy’s Story » et de même pour une dizaine d’autres dessins animés. Je lui dis alors d’un ton étonné « mais tu connais tous les « Disney ». Suite à mon propos, elle me parla de sa visite de Disneyland Paris, de sa famille et notamment de ses frères qui l’accompagnaient à ce moment là, pour ensuite me parler des jeux vidéos de son frère jusqu’au moment du repas. ]

    L’ouverture progressive de Jennifer sur des thèmes qu’elle abordait peu à l’IME (la famille, ses frères, ses jeux à la maison) reflète l’enjeu de ce passage par ses centres intérêt. C’est en effet elle qui relance la conversation, qui l’alimente et étoffe son propos en partageant son univers familial. On perçoit ici qu’à travers une base perçue de tout les professionnels chez Jennifer (son intérêt des sirènes), une ouverture est possible. Cela suppose de s’intéresser aux supports et centres d’intérêts qu’elle nous donne à voir pour la rencontrer.

     Les centres d’intérêts des enfants représentent donc des « embryons d’ouverture au monde, au monde commun[50]». A nous de venir accepter cette modalité de rencontre en considérant les intérêts de l’enfant comme un point de rencontre. C’est ensuite que nous pourrons soutenir ses désirs d’expérimentation en diversifiant progressivement ses expériences en partant de ses centres d’intérêts. Ces centres d’intérêt ne sont donc pas à voir comme des impasses à la relation mais au contraire des points d’appuis offerts par ces enfants pour les rencontrer.

    Cette partie met en avant l’importance de pouvoir rencontrer et d’établir un lien avec des enfants aux capacités particulières. Ce lien ne peut se tisser que si chacun porte un intérêt pour cette rencontre. De ce fait, l’éducateur se doit de découvrir l’enfant en lui accordant une place de partenaire dans la relation afin que ce dernier puisse expérimenter ses propres envies et ne soit pas uniquement dépendant d’une logique propre à l’adulte. Pour cela, il doit pouvoir laisser une place pour que l’enfant puisse venir à sa rencontre en veillant à questionner l’influence de son attitude dans sa relation avec l’enfant (cohérence de son attitude, écoute de ses ressentis). Ce questionnement nous permettra de mieux nous ajuster aux besoins de l’enfant afin d’essayer de percevoir et de comprendre son rapport au monde. Réciproquement, l’intérêt de l’enfant pour la rencontre doit être perçu à travers les différents appels que ces enfants nous donnent à voir au quotidien. Nous devons alors faire preuve d’inventivité et d’observation pour tenter d’éveiller leurs intérêts pour la rencontre (partir de leurs centres d’intérêts, de leurs manifestations non-verbales, de leurs productions et de leurs pensées) en respectant les conditions de rencontre de chacun. C’est cette réciprocité de l’échange au moment de la rencontre qui permet l’émergence d’un lien entre enfant et adulte, par ce vécu d’expérience commun.

    II-    UNE CONTINUITÉ DE LA RENCONTRE POUR SOUTENIR L’EMERGENCE DES POTENTIALITES DE L’ENFANT

    La rencontre est une base essentielle de travail de l’éducateur de jeunes enfants dans la création d’une relation éducative en IME. Elle doit être enrichie au quotidien par une continuité d’expériences communes entre enfant et professionnel qui se verra être le fondement d’un lien fiable et sécurisant pour l’enfant. Cette partie va aborder dans un premier temps la conception créative de notre accompagnement éducatif auprès des enfants en situation de handicap. Nous verrons ensuite le chemin à parcourir par la dyade « enfant-professionnel » pour soutenir les potentialités de l’enfant au quotidien. Nous terminerons par aborder les difficultés rencontrées dans le maintien de cette continuité du lien.

    1-    S’apprivoiser avec « créativité » :

    « Construire un château fort, jeu merveilleux ou travail d’esclave. Tout est dans la manière. [51]» Fernand DELIGNY

    A)    Explication du concept : «S’apprivoiser avec créativité » :

    Cette idée de «s’apprivoiser avec créativité » est pour moi la mise en mot d’un concept qui illustre le travail quotidien que nous avons réalisé avec ma référente pour soutenir les potentialités de chaque enfant. Nous allons commencer par définir cette idée. Le premier terme « apprivoiser » correspond au sens définit par DE SAINT EXUPÉRY, c’est-à-dire « créer des liens[52] ». Ce lien débute par une rencontre où un partage commun d’expérience va progressivement venir l’étayer et permettre à l’enfant d’éveiller son potentiel, sa personnalité. Le terme de « créativité » quant à lui est utilisé à travers la vision de D.W. WINNICOTT. J’essaierai d’illustrer ce concept complexe à travers les diverses situations que j’ai rencontrées dans ce stage. La créativitéévoquée dans les propos de l’auteurne correspond pas à « une création réussi ou reconnu » comme il est d’usage mais se définit plutôt comme une « coloration de toute une attitude face à la réalité extérieur [53]». D.W. WINNICOTT précise son propos en disant qu’« il s’agit avant tout d’un mode créatif de perception qui donne à l’individu le sentiment que la vie vaut la peine d’être vécue ». La notion de créativité doit donc être comprise comme un processus très large, comme une manière d’être au monde. D.W. WINNICOTT affine son propos concernant la perception de l’individu, en évoquant qu’elle s’illustre par une compétence particulière qui est de « voir toute chose d’un œil neuf, à être créateur de chaque détail de la vie[54] ». J’ai eu le sentiment de ressentir cela au contact de ces enfants ou en observant ma référente auprès d’eux.

    [Jeudi matin – Il est 9h30 et nous (Caroline, les cinq enfants et moi) quittons le hall d’accueil pour rejoindre notre salle de vie et prendre un chocolat chaud.  Je m’installe à table à côté de Maëlle et les enfants s’installent d’une allure peu tonique. Leurs visages paraissent peu éveillés au vu des frottements d’œil et de leurs postures affaissées à table. Maëlle pose sa tête dans ses bras sur la table. Caroline pose alors sa question quotidienne : « Quel jour on est ? ». Maëlle baille alors et adosse sa tête contre moi, les yeux à moitié ouverts. Je réponds alors en souriant : « C’est la journée du bâillement !». Et Caroline reprend : « Ah oui c’est la journée du bâillement » et baille exagérément à son tour en mettant la main devant sa bouche. Jennifer sourit à son tour et commença à bailler, suivi d’un bâillement général de chaque enfant. Même Joachim semble y adhérer en ouvrant lui aussi la bouche et en imitant le geste de main de Caroline. Caroline sourit et reprend d’un ton des plus sérieux tout en continuant de bailler en parlant : « Bon, on va quand même lire le menu ». Caroline commence alors à lire en baillant, tous les ingrédients du menu du jour sous le regard attentif des enfants qui sourient en imitant ce drôle d’adulte. L’attention de chaque enfant se renforce progressivement et ils se redressent sur leurs chaises au fil de la lecture du menu. ] 

    Cet exemple me semble refléter, la « couleur » que nous apportions à l’accompagnement de ces enfants. La créativité est ici vue comme une manière d’être créatif, comme l’a pu être Caroline dans ses communications, et non pas comme une attente de création. Pour illustrer ce propos D.W. WINNICOTT écrit que « chacun de nous peut être créatif et au quotidien mais parallèlement chacun ne peut pas devenir un artiste [55]».

    B)   L’importance d’une perception créative du professionnel en IME :

    Cette créativité pouvait s’opérer à tout instant à l’IME et tout pouvait être l’occasion d’inventer de l’inattendu avec les enfants : « dans toute situation il y a toujours moyen pour quelqu’un de vivre créativement [56] ». Cette dimension me parait d’autant plus importante dans cet IME du fait de la permanence des activités prévues durant l’année. En effet, l’organisation fixe du quotidien peut conduire à un manque d’intérêt de l’enfant comme du professionnel pour ces activités. Le manque de souplesse de l’organisation des activités face aux évolutions possibles des besoins de l’enfant engendrait fréquemment des propositions ne répondant pas forcément aux rythmes et besoins de chacun.

    Alors, comment accompagner un enfant lorsque une activité est prévue pour un groupe d’enfants mais qu’on devine à travers notre observation du moment qu’elle est peu en lien avec ces demandes et besoins ? Une des réponses possibles est d’adapter au mieux l’environnement qui se présente à nous (en fonction de l’état interne des enfants, du matériel disponible) grâce une perception créative et partant de nos observations. Cette perception créative durant des activités routinières me semblait par l’intermédiaire de l’authenticité de l’adulte, un moyen d’élargir notre connaissance de l’enfant. Cette authenticité transposable à la notion d’être soi-même rejoint ici l’idée de D.W. WINNICOTT lorsqu’il dit de la créativité qu’elle équivaut à « être soi-même et se sentir vivant[57]».

    [ Nous sommes jeudi matin et aujourd’hui c’est activité « manipulation » dans la salle de vie. Je demande à Moussa (5 ans) s’il est intéressé par de la pâte à modeler. Ce dernier me fait signe de la tête que oui. Je pose alors des pâtes de différentes couleurs et un panel d’accessoires à table (Il y avait notamment des accessoires de type « Mr Patate » avec différentes paires de bras, d’yeux, chapeau, etc.) avant de m’asseoir. Moussa s’assoie alors en face de moi et prend la pâte à modeler pour la jeter par terre, avant de me regarder en riant. Je lui demande alors de la ramasser d’un air assez intrigué par son geste. Il recommence alors à jeter à nouveau une pâte à modeler par terre. Je reste quelques secondes assis sur ma chaise à regarder Moussa et les accessoires sur la table. Je me lève alors et commence à construire différents personnages en pâte à modeler auquel je place des petits chapeaux en plastique, et dit à Moussa : « Essaye plutôt de viser ça » en indiquant du doigt les chapeaux en plastique. Il hésite quelques secondes d’un air perplexe puis jette la pate à modeler en direction des personnages de pâte à modeler et fait tomber un chapeau. Moussa pousse alors un « Wow » d’étonnement puis me regarde et éclate de rire. Il repart chercher alors un bout de pâte à modeler et reprend de nouveau ses lancers pour atteindre les autres cibles. Il y reste plus de trente minutes à viser ces chapeaux en faisant des va-et-vient entre ses tirs et son ramassage de projectiles. Chaque lancer était source de grande concentration et de plaisir, à l’écoute de ces rires lorsqu’il touchait la cible. Lancer après lancer je variais le type et le nombre de « chapeaux cible » en fonction de sa motivation du moment. Je me contentais simplement de l’observer et de le féliciter une fois les cibles touchées et de replacer les chapeaux sur les personnages de pâte à modeler. Le rire de Moussa résonnait dans la salle au point de le communiquer à Caroline et les enfants assis non loin de nous. Rama (11ans) ne put s’empêcher de dire en riant « Ah il est fou Moussa » ! ]

    Le propos de Rama est ici révélateur du plaisir de Moussa. En effet, c’est grâce à une perception des gestes de lancer de cet enfant comme « potentiellement créatif » que ce jeu a pu s’accomplir. C’est ainsi que D.W. WINNICOTT nous rappelle que « le monde de nos perceptions est lettre morte tant qu’il n’est pas animé par un regard [58]». C’est ce regard qu’en tant que futur éducateur je souhaite soutenir, un regard « à être créateur de chaque détail de la vie[59]». Cette perception nous permet de nous émerveiller au quotidien à travers la diversité des situations que nous donnent à voir les enfants. La créativité est donc quelque chose de très subjectif et personnel mais elle gagne à être encouragée quand elle s’exprime dans le respect et l’écoute de chacun. Dans cette idée, S. ZÉRILLO nous rappelle en évoquant la créativité de D.W. WINNICOTT que« tout être humain est créatif quel que soit son degré d’intelligence ou de handicap [60]». En effet jusqu’à présent mes exemples étaient principalement basés sur la créativité de l’adulte (Moi ou ma référente). Mais c’est justement à travers notre perception créative qu’il nous sera donné de percevoir la créativité des enfants pour favoriser leurs potentiels propres :

    [ Il est 13h30, l’heure de la récréation. Je marche dans la cour et porte mon intérêt sur Maëlle qui tournoie avec des brindilles dans les mains. Je pars m’assoir sous un arbre (un marronnier) ou est installé une table de pique-nique à quelques mètres de la jeune fille. Je la vois s’arrêter et s’accroupi puis prendre quelque chose dans sa main avant de dire d’un air étonné «Oh ! Oh ! Wah ! ». Je me déplace légèrement et aperçois un marron dans la main de Maëlle. Je souris puis part voir d’autres enfants. Lors de notre retour dans la salle de vie, au moment d’aider Maëlle à enlever son manteau, je sens à travers le tissu une boule dure dans sa poche. Je souris en pensant que ce marron devait certainement avoir un intérêt particulier pour elle. ]

    Avec des enfants ayant des troubles relationnels, il convient de savoir mériter leur attention. « A nous alors de trouver une façon d’être qui nous rendent intéressants à leurs yeux, une façon d’être qui doit se modifier, se réinventer, chaque fois [61]» en fonction de l’enfant que nous avons face à nous. Pour se rendre intéressant, il faut comprendre ce qui l’intéresse et puisque une alliance avec l’enfant passe par un respect réciproque, il nous faut respecter et considérer ces détails que l’enfant nous montre à voir comme importants pour lui. Nous devons dès lors considérer ces détails comme importants, comme pouvait l’être ce marron pour Maëlle. Je ne peux certifier que Maëlle ai perçu ce marron de manière créative mais je suis convaincu de l’importance qu’elle a accordée à ce marron.

     Si par contre ces détails sont vus par l’adulte comme un « sentiment de futilité associée à l’idée que ça n’a pas d’importance » pour l’enfant alors celui-ci ne pourra percevoir cette situation de manière créative. C’est ainsi que l’on aperçoit l’idée inverse à la créativité qui est « une relation de complaisance soumise envers la réalité extérieure[62] ». Elle se traduit chez la personne par « un sentiment de futilité associé à l’idée que rien n’a d’importance ».

    Néanmoins il faut s’avérer prudent quant à cette notion de créativité car elle ne demeure pas acquise mais est dépendante de notre vécu d’expériences personnelles. Dans le milieu du handicap où les attentes sur ces enfants peuvent être excessives, le terme de créativité n’est pas anodin. Il peut apparaitre que nos rencontres avec les enfants, les familles ou les professionnels en prise avec leurs difficultés viennent nous affecter directement. Par exemple, pour certains professionnels, leurs affects sont tellement sollicités dans l’accompagnement de ces enfants et de leurs familles qu’ils en sont à s’interdire de regarder l’enfant de manière créative. Pour autant cette créativité me semble essentielle du fait qu’elle peut paraitre peu présente dans le quotidien des enfants et des familles, voir des professionnels. Ces enfants ont besoin d’un regard neuf et soutenant pour favoriser l’émergence de leur potentiel et l’expression de leur personnalité. Cette créativité va d’ailleurs venir colorer l’ensemble de cette seconde partie à travers les expériences quotidiennes des enfants et des éducateurs du groupe d’enfants.

    2-    L’émergence des potentialités de l’enfant en ime :                         Le cheminement de la dyade « enfant-professionnel»

    A)    L’importance d’une relation fiable et continue pour l’enfant :

     L’élaboration d’un lien avec les enfants nécessite une rencontre mais cet instant en lui même est insuffisant pour établir une relation fiable et se doit donc d’être soutenu et étayé. Une continuité à la rencontre est alors nécessaire pour envisager de soutenir les potentialités de chaque enfant. Cette continuité s’illustre par la régularité des expériences vécues et le temps offert pour qu’un lien et une relation « s’installe et s’élabore [63]». C’est à travers ces conditions que les compétences présentes ou latentes des enfants pourraient émerger (nouveaux centres d’intérêt, prise de conscience de nouvelles capacités).

    J’évoquerai ici, les éléments qui me semblent clés pour l’évolution du lien de la dyade « enfant-professionnel ». Au vue du fonctionnement de l’IME régit par une organisation déterminant l’environnement offert à l’enfant (activités prévues et fixes), nous nous intéresserons d’avantage aux possibilités de soutenir l’intérêt de l’enfant dans ce quotidien. Nous débuterons par évoquer l’intérêt et les limites de l’observation au sein d’un groupe d’enfants pour repérer les besoins et attentes de chacun. Nous verrons à partir de ce travail préliminaire d’observation, comment un ajustement mutuel enfant-adulte est envisageable, à travers une tentative d’accordage affectif avec l’enfant. Nous terminerons par aborder l’intérêt de la présence des rituels de l’enfant à l’IME dans la relation « adulte-enfant » et en quoi ceux-ci soutiennent les potentialités des enfants.

    B)   L’observation à l’IME :

    «Si je pouvais faire ce cadeau à chaque parent, je leur offrirai le don d’apprendre à observer le comportement de leur bébé. S’ils ont pu apprendre le comportement de leur bébé, ils auront appris son langage [64]». T- B BRAZELTON

    a)     Le repérage des besoins de l’enfant à l’IME :

    Apprendre à observer est un travail préliminaire essentiel de notre accompagnement. Utiliser l’observation pour tenter de comprendre et connaitre l’enfant que nous accueillons permet par la suite de bâtir un langage commun avec lui. Cette sensibilité à l’observation doit être présente de notre rencontre avec eux jusqu’à la fin de notre parcours commun « enfant-professionnel ».  C’est grâce à cette observation, la plus objective possible, qu’un repérage des besoins et des attentes des enfants va être possible. Suite à notre collecte d’éléments sur l’enfant, il nous sera possible d’essayer de nous ajuster à lui en soutenant ce qui semble être essentiel pour lui.

    Dans la journée, ma référente et moi avions une place privilégiée d’observateurs bien que les conditions ne soient pas toujours optimales. En effet nous étions de manière presque continue (excepté lors des prises en charges) auprès des enfants dans différents lieux (la salle de vie, salle extérieur).  L’observation était donc plus ou moins constante et plus ou moins biaisée : constante par la visibilité que nous avions de l’enfant du début de la journée jusqu’à son départ, biaisée par la difficulté à maintenir une attention continue durant une journée. Néanmoins, nous ne pouvions nous passer de cet outil pour repérer leurs intentions, réactions et centres d’intérêt, notamment lorsque ceux-ci était restreints. L’enjeu de ce repérage était de pouvoir trouver des supports à la relation possible avec l’enfant tout en identifiant ses besoins et ses envies propres.

    Pour autant nous avons vu l’importance d’observer et d’être attentif à leurs actes qu’ils soient expressifs ou non. Pour qualifier les actes des enfants comme des messages potentiels, il est indispensable de pouvoir passer par une observation articulant le contexte de la situation au détail des réactions de l’enfant. Si l’on se restreint à une observation trop générale où peu contextualisée, nos difficultés de compréhension de l’enfant seront accentués et maintiendront un ajustement possiblement inadéquat.

    b)     Les difficultés d’observer au sein du groupe d’enfant :

    Excepté le fait d’être deux à observer, le rythme des journées (journée continue de 9h00 à 16h00 avec 20min de pause) et notre présence quasi-continue auprès des enfants altéreraient notre capacité à observer et à se décentrer de la dynamique du groupe d’enfants. E. BICK conseille dans ces moments, d’oublier nos théories et nos connaissances pour être dans « un état qui permet de se laisser surprendre par de l’inattendu[65] ». Au sein de la vie quotidienne avec les enfants, cela ne semblait jamais réellement possible mais il est néanmoins utile d’essayer de tendre vers cet état. Nous nous devions alors « de rester ouverts à toute hypothèse, à toute signification possible[66] »si nous ne souhaitions pas nous priver d’éléments de compréhension de l’enfant et de ses envies.

    A l’IME, les éducateurs accompagnant seul un groupe d’enfant évoquaient fréquemment leurs difficultés à observer. Les raisons étaient variables (peu d’intérêt pour cet outil, complexité à mettre en œuvre cette pratique seul auprès des enfants). Le fait d’être seul sur un groupe entrainait spontanément une volonté ou une nécessité d’agir auprès des enfants qui leurs semblait affecter la qualité de leurs observations. A ce propos, A. CICCONE indique que l’observation nécessite « une mise en suspens, non pas de l’agir mais d’une volonté de compréhension immédiate[67] ». Ainsi l’agir n’empêche pas l’observation mais notre analyse des situations doit néanmoins tenir compte de notre influence dans les situations observées. Concernant cette tentative de compréhension immédiate, nombreuses sont les observations qu’avec ma référente nous avons échangées et tentées de comprendre mais que nous avons laissées sans réponse. C’était particulièrement le cas des enfants n’ayant pas accès au langage ou ayant des troubles relationnels importants. Il parait essentiel d’admettre de ne pas savoir tout en continuant de collecter des observations sur l’enfant afin de pouvoir par la suite en faire un support de questionnement personnel et d’échange en équipe. Bien que les gestes observés des enfants ayant peu accès à la parole ont une signification importante, comme le dit A. CICCONE « il est très important d’être toujours prêt à douter de l’interprétation que nous en donnons[68] ».

    c)     Quand les affects influencent l’observation :

    Cette difficulté d’observation ne doit cependant pas laisser place à des interprétations biaisées par les difficultés propres à l’éducateur (ex : rapport difficile avec l’enfant). Ces dernières ne feraient qu’enfermer l’enfant dans des jugements stigmatisants et superficiels qui donneraient peu de place à une compréhension des émotions de l’enfant. A ce titre D.W. WINNICOTT signalait l’importance de reconnaître les affects de haine durant nos rencontres. A. CICCONE poursuit cette idée en disant « On peut dire la même chose de toute relation soignante qui mobilise des affects de haine comme c’est le cas dans le secteur du handicap […] et dans la relation d’aide[69] ». Le plus grand risque serait alors qu’à travers les interprétations louables des professionnels, leurs interventions se voient avant tout une réponse à ce que l’enfant produit chez les professionnels et non pas une réponse aux besoins de l’enfant. Il est alors nécessaire de pouvoir reconnaitre et échanger nos difficultés avec les différents professionnels entourant l’enfant pour maintenir une observation au plus proche du projet personnel de chaque enfant.  

    L’observation est donc la première étape à respecter dans le chemin que nous parcourons avec l’enfant. En plus d’être notre premier indicateur pour observer les moments propices à l’échange, l’observation nous permet de percevoir les besoins et attentes de ce dernier et d’établir un réajustement de notre attitude et de l’environnement offert à l’enfant. Ainsi l’observation est un préalable nécessaire pour connaitre le rythme, les centres d’intérêt et les envies du moment de l’enfant. Ce travail se situe à la base de notre intervention auprès de l’enfant pour établir un lien de confiance avec lui et s’avère être un préalable nécessaire au soutien de ses potentialités.

    C)   L’ajustement « enfant-adulte », un soutien aux potentialités de l’enfant

    a)     L’ajustement « enfant-adulte », un parallèle à l’accordage affectif :

    Si l’observation et la qualité de la rencontre sont des facteurs essentiels à la création d’un lien entre l’éducateur et l’enfant, ce dernier a besoin d’être enrichi au quotidien pour que les potentiels de l’enfant puissent s’exprimer. L’enrichissement de ce lien passe par un ajustement réciproque entre adulte et enfant. Cet ajustement rejoint l’idée de la « good enough mother » de D.W. WINNICOTT, c’est-à-dire « la mère à peu près adéquate, sans plus[70] ». Cet ajustement pas tout à fait adéquat de la mère, laisse à l’enfant un espace de liberté, de jeu et de créativité psychique. En ce qui concerne notre pratique d’éducateur, notre ajustement auprès de l’enfant se voit lui aussi approximatif et incomplet. Cet ajustement est d’autant plus délicat auprès d’enfant mutique ou présentant des troubles relationnels.

    [ Mardi- Il est 14h30, et nous sommes en route dans un Minibus pour nous rendre au conservatoire de la ville. Les enfants sont silencieux, comme bercés par la voiture, jusqu’à ce que j’entende une voix non familière prononcer : « ti di di di di di ».  Je me retourne et j’aperçois Joachim entrain de vocaliser avec un sourire dans son siège auto. Je me retourne vers Caroline et lui dit étonné : « C’est Joachim ! ». Il continue ces bruitages et je le regarde en souriant en disant : « Ca va Joachim ? ». Ces vocalises durèrent une trentaine de secondes. ]

    C’était la première fois que j’entendais Joachim vocaliser. Cette situation est au cœur d’un paradoxe de notre accompagnement auprès d’enfants mutiques. D’un côté nous souhaitons accompagner les initiatives d’expressions de Joachim bien qu’elles soient peu présentes et d’autre part notre étonnement face à ces scènes exceptionnelles altère notre capacité à nous ajuster. Alors comment accueillir les sons émis par Joachim ? Lorsqu’un bébé gazouille, le plus souvent on lui répond sur le même mode. Pourquoi serait ce si différent avec Joachim lorsqu’il émet des vocalises ?

    Cette observation m’a dirigé vers la notion « d’accordage affectif mère/bébé » évoqué par D. STERN. Il explique cet accordage comme étant « les retours spontanés que fait une mère à ce que vit le bébé lorsqu’il vit une expérience psychomotrice[71] ». Il s’agit ici d’ « un acte d’intersubjectivité dans lequel le parent répond à une expression affective du bébé en la remaniant et en la rejouant au bébé pour lui montrer qu’il a partagé son expérience subjective interne [72]». L’idée est de pouvoir partager les émotions avec l’enfant en lui répondant dans une autre modalité sensorielle. C’est ce que l’on appelle la transmodalité (ex : réponse d’une parole par un geste, un regard portant la même intensité que le signal de départ de l’interlocuteur). Ce phénomène est essentiellement implicite au contact de l’enfant.

    Lorsque que l’accordage est juste entre l’adulte et l’enfant, cela permet à l’enfant de continuer à cheminer, à explorer son monde comme si rien ne s’était passé. En reprenant l’idée de ce mémoire qui est de soutenir le potentiel de chaque enfant, le passage par une tentative d’accordage affectif me parait essentiel. En effet, il permet à l’enfant de se sentir entendu et accepté, et favorise aussi la poursuite de son exploration ainsi que de ses initiatives.

    b)     Le quotidien de l’IME, support permanent à une tentative d’accordage affectif :

    Cette tentative d’accordage peu s’avérer difficile. En effet, l’accordage n’est en rien permanent ni acquis puisqu’il s’agit avant tout d’un processus.  Cela signifie que « la qualité de l’accordage affectif et le partage qu’il permet dépendent directement de la situation contextuelle [73]». A l’IME, les tentatives d’accordages affectives ne pouvaient être cantonnées aux activités journalières. Chaque scène du quotidien, aussi banale soit elle, peut être vue comme le support d’une tentative d’accordage affectif. La notion « d’activité » semblait peu porteuse de sens pour certains enfants, d’où l’importance de percevoir le quotidien comme le support permanent de cet accordage. Par exemple, la préparation d’une activité, alors même qu’ils présentaient peu d’intérêt à celle-ci pouvaient être un moment privilégié pour une tentative d’accordage.

    L’importance d’un partage des émotions lors de l’accordage me semble rejoindre l’idée évoquée par D.W. WINNICOTT à propos de la relation entre « bébé et professionnel » lorsqu’il dit que ce dont à besoin un nourrisson c’est « des soins et l’attention d’une personne qui continue à être elle-même [74]». L’utilisation du terme « elle-même » indique qu’on ne parle pas ici d’un rôle joué par l’adulte en présence de l’enfant. Il montre ainsi l’importance de ne pas se contenter du rôle de professionnel pour se qualifier comme adapté dans la relation à l’enfant mais qu’il nécessite une réelle sensibilité à l’enfant illustré par un partage émotionnel avec ce dernier. Cette condition est d’ailleurs non négligeable si nous souhaitons faire le pari d’un accordage affectif avec des enfants singuliers en vu de soutenir leurs potentialités et de tisser un lien avec eux.

    c)     L’intérêt des enfants pour la transmodalité, signe d’un accordage possible :

     Auprès d’enfants ayant des troubles de la relation important tel que Maëlle et Joachim, cette tentative accordage paraissait moins spontané. Les manifestations de ces enfants, qu’elles soient non présentes (mutisme) ou à l’inverse excessives (agitation) nous questionnaient sur la façon dont nous pouvions nous « accorder » avec ces enfants. Après un certain temps d’observation, nous avions néanmoins repérés l’attirance de ces deux enfants pour les comptines à gestes, le mouvement, la musicalité, le fait de théâtraliser certaines situations par des gestes exagérés. On ne pouvait alors pas négliger le fait qu’ils soient insensibles à la « transmodalité » évoquée dans ce concept d’accordage :

    [ Toutes les deux semaines, je proposais en individuel une séance de vélo (sur un grand tricycle) avec Joachim dans la cour de récréation de l’IME. Notre début de séance s’était ritualisé ainsi : Je commençais par m’installer sur la selle et Joachim se mettait à l’arrière, debout sur le châssis du tricycle. Il passait ses bras autour de moi et nous débutions par effectuer quelques tours de la cour de récréation. J’entendais alors des petits bruits de bouche de sa part montrant qu’il semblait apprécier ce moment. Généralement après quelques minutes, je sentais Joachim frémir dans mon dos. Je m’arrêtais alors puis je lui demandais « tu veux changer ? » en lui tendant la main. Deux situations se présentaient à nous. La première, Joachim posait sa main dans la mienne puis descendait du vélo et je le laissais prendre ma place. La seconde Joachim ne posait pas sa main mais effectuait une petite impulsion vers l’avant, et dans ce cas nous continuions notre ballade à vélo et je sentais Joachim, se relâcher, comme détendu. ]

    Cet ajustement grâce à une traduction dans une autre modalité (présenter la main, poser des mots sur ces frémissements) de ce qu’exprime l’enfant permettait d’instaurer un dialogue commun avec lui et de l’amener à des possibilités de choix et d’expérimentation. Cet ajustement offre à l’enfant la possibilité d’expérimenter sa manière d’agir sur le monde et de manifester ses intérêts. Cela permet à l’enfant de s’épanouir dans ses découvertes à travers ce partage émotionnel avec l’adulte. Ce travail d’ajustement et de « traduction créative [75]» retournée à l’enfant induit un enrichissement du lien « enfant-adulte » laissant possible l’émergence des compétences de l’enfant.

    D)   Les rituels de l’enfant :

    « Quand j’étais petit, j’étais convaincu comme tout le monde qu’il y avait des monstres dans le placard de ma chambre. Pour bien fermer la porte de mon placard, il convient d’appuyer fort sur la poignée. Arrivée à l’âge de cinq ou six ans j’avais pour habitude, pour assurer ma sécurité, d’appuyer cinquante fois sur la poignée de ma porte de mon placard avant de me coucher. La preuve de la nécessité de ce rituel est incontournable : C’est grâce à lui que je n’ai jamais été dévoré par les monstres de mon placard [76]» – Howard BUTEN

    a)     Un mode de régulation des émotions de l’enfant en soutien à la relation « enfant-professionnel » :

    Dans cette amorce, H. BUTEN montre l’importance des rituels dans la régulation du monde interne de l’enfant. L’auteur met en jeu ses peurs au moment du coucher (peur des monstres) et trouve le moyen de les apprivoiser par la répétition du jeu qu’il élabore avec sa poignée de porte. A l’IME, les rituels étaient surtout présents lors des moments de transition de la journée (Changement d’activité, moment du repas). Ces moments, possiblement anxiogènes pour certains enfants, me questionnaient sur les rôles et les fonctions des rituels. J’avais à travers mes observations interprété que les rituels étaient un simple moyen de repérage temporel pour les enfants. Ces rituels se déroulaient avec la participation de l’adulte ou simplement en sa présence, tel un témoin de ces moments de jeu. Ma vision limitait néanmoins l’aspect des rituels à une fonction de repère. J’étais tout de même convaincu de leur intérêt du fait de leur impressionnante efficacité pour rassurer les enfants durant des périodes sensibles. J’ai ensuite découvert que les rituels sont définis comme « un mode de régulation des émotions[77] ». Ils permettent de prendre en charge les émotions de l’enfant « pour leur donner une voie d’expression acceptable[78] ».

    Si le rituel régule les affects des enfants, il possède aussi une fonction de mise en jeu des émotions de l’enfant.  Grâce à cet espace qu’est le jeu, l’enfant va pouvoir vivre et rejouer ses émotions dans un cadre admis socialement. Cet espace est un lieu où l’enfant expérimente des règles et des interdits à travers une théâtralisation du rituel. Une des caractéristiques du rituel est de « matérialiser, de mettre en scène, d’exprimer à travers des mots, des gestes, des couleurs, des musiques[79] » des émotions toujours menaçantes par leur intensité pour l’enfant. Le cas de Maëlle (8 ans) était révélateur de cette mise en jeu des émotions et de la place du rituel dans notre quotidien.

    [ Fréquemment lorsque des jeux de poupées étaient mis à disposition en salle de vie, il était difficile pour Maëlle de pouvoir passer à autre chose (changement d’activité, repas). La frustration de la jeune fille durant ces moments nous conduisait à la sortir du groupe au vu de son agressivité et de la promiscuité de la pièce. Le rituel qui s’est progressivement installé pour signifier la fin de l’activité à Maëlle a été de ranger les poupées ou jouets en chantant ou en comptant les objets ramassé de manière théâtralisée avec elle.  Dès lors, nous pouvions observer Maëlle compter ou nommer les jouets ramassés avec l’adulte. Son plaisir était marqué par son enthousiasme et sa concentration à nommer avec justesse les éléments ramassés. Le rituel se terminait une fois les objets rangés et Maëlle passait alors avec un sourire satisfait à l’activité suivante. ]

    B. CYRULNIK dit que « l’intensité émotive, dès qu’elle n’est plus gérée par le rituel, laisse exploser la violence[80] ». Ce constat nous le percevions face aux difficultés de Maëlle à tolérer certains moments de transition. On constate ici que la dimension du jeu du rituel permet de désamorcer des sentiments trop vifs, comme c’est le cas dans cette observation. L’intérêt du rituel a été de donner une place acceptable aux émotions de Maëlle pour lui permettre de coexister avec les autres membres du groupe (enfants et adultes). C’est d’ailleurs une des fonctions essentielles du rituel de permettre à l’enfant d’« apprendre à coexister, à vivre ensemble[81]». En effet, c’est à travers ce partage d’émotions vécues en commun que les rituels « créent et cimentent[82] » le lien « professionnel-enfant ».

    Les rituels permettent donc une continuité à la relation en offrant des moments de mise en jeu d’émotions que l’on sait fortes pour l’enfant à certains moments de la journée. Cette continuité parait primordiale pour éviter que l’enfant se trouve piégé par ses émotions qui de part leur intensité l’empêcherait de s’épanouir pleinement. L’intérêt est de pouvoir jouer ces émotions plutôt que de les subir, comme cela pouvait arriver au sein du groupe d’enfants (Joie d’un enfant qui devient une euphorie ou frustration se transformant en crise). Ainsi plus les émotions de l’enfant sont intenses que ce soit de manière positive (joie) ou négative (agressivité) plus la mise en place du rituel est importante et permet à l’enfant de traverser ces différents états de manière constructive.  On voit dès lors l’enjeu de leur présence pour d’une part permettre au lien « enfant- professionnel » de se renforcer par ce partage d’émotion et d’autre part pour permettre à l’enfant de s’épanouir en ne subissant pas l’intensité de ces émotions.

    b)     Un témoin de l’évolution des besoins de l’enfant :

    Le rituel par sa régularité est souvent associé à la notion de « routine et de lassitude » que se soit pour l’adulte ou pour l’enfant. Mais comme le dit D. JEFFREY « le rituel accepte cela même qu’il cherche à réguler : l’imprévisible, la surprise, le risque, l’inédit[83] ». Le rituel est donc vivant et modulable en fonction de ce que nous donne à voir l’enfant. Un rituel qui ne laisse pas de place à « l’irrégularité, à l’anomalie[84] » se rigidifie et devient un obstacle à la spontanéité de l’enfant dans sa relation à l’adulte. C’est la richesse de l’ajustement du rituel qui permet à celui-ci d’évoluer en fonction des besoins de l’enfant. Le rituel doit donc être suffisamment souple pour être bénéfique pour l’enfant sinon il se transforme en contrainte stéréotypée et devient une entrave au besoin d’expérimentation de l’enfant.

    [ A l’IME, un des rituels de Moussa (5 ans) se déroulait au moment du lavage des mains d’avant repas. Il s’illustrait à ces débuts par une course entre Moussa et moi-même, de la salle de vie jusqu’aux toilettes (où se trouvait le lavabo) pour aller se laver les mains le plus rapidement possible.  Ce dernier, en l’absence d’un adulte, était en effet peu volontaire à cette pratique et partait explorer les salles de l’IME plutôt que de se laver les mains. Ces moments de course étaient à la fois un moment privilégié entre l’enfant et moi même et un apprentissage joué des règles de vie de l’institution adapté à son potentiel.  Au fur et à mesure de l’année, les courses diminuèrent en intensité jusqu’à disparaitre progressivement au vu du désintérêt progressif de Moussa pour ces courses au moment du lavage de main. En fin d’année, Moussa se lavait les mains seul et m’indiquait de rester à l’entrée des toilettes. ]

    Le rituel n’est modifiable et adaptable qu’en respectant l’évolution des besoins de l’enfant.  L’enfant peut ainsi choisir de délaisser progressivement un rituel s’il est parvenu à apprivoiser les émotions qui l’accompagnent. C’est ainsi que l’observation des rituels, de par son aspect privilégié car individualisé, est pour nous éducateur un témoin des évolutions du développement et des potentialités de l’enfant.

    On perçoit alors l’importance des rituels pour enrichir le lien « enfant-adulte » en parallèle d’une tentative d’ajustement de l’adulte soutenue par une démarche d’observation.  L’enrichissement du lien « enfant-professionnel » se construit ainsi par des expériences communes et des partages d’émotions. De là, l’enfant, par sa confiance en l’adulte et en ses compétences, peut laisser émerger ses capacités et potentialités dans un environnement adapté à ses besoins du moment.

    3-    Quand le lien est malmené :

    L’importance de créer des liens de qualité est primordiale pour permettre aux enfants de développer leurs potentiels latents. Mais les liens tissés jour après jour peuvent facilement être menacés au quotidien. Durant cette année, mes questionnements se sont dirigés vers deux idées : la première est que le lien créé avec l’enfant peut facilement être orienté vers des objectifs propres à l’adulte et non à l’enfant. Le second point concerne un questionnement global sur les moments de crise d’une enfant de mon groupe. Le point de départ de la réflexion étant : « comment faire en sorte que les moments de crise ne soient pas synonymes d’échec et de rupture du lien pour l’enfant ? ».

    A)     Une dérive possible du lien par l’adulte :

    Nous avons vu auparavant que la création d’un lien de confiance entre adulte et enfant, procure un sentiment de compétence à l’enfant et que c’est grâce à cette confiance en lui-même et en l’autre qu’il peut explorer ses différentes potentialités du moment. On observe que le lien et plus généralement la relation « enfant/Adulte » est un des fondements de l’émergence du potentiel de chaque enfant. C’est ce qu’a démontré L. VITGOSKY lorsqu’il dit que « plus la relation est de bonne qualité, plus l’effort d’apprentissage est efficace [85]». Pour mesurer l’influence de ce lien, il fait référence au concept de « Zone proximale de développement (ZDP)». Il la définit comme « l’écart entre ce qu’un enfant peut faire seul et ce qu’il est capable de faire avec quelqu’un de plus expert[86] ». Tout comme nous l’avons évoqué pour le terme de relation, la ZDP caractérise une dyade où selon lui   « selon la façon dont l’expert va intervenir, il va parvenir à faire fonctionner l’enfant à un niveau plus où moins élevé[87] ». On voit alors que des dérives du lien sont possibles et apparaissent lorsque les attentes de l’adulte sont trop éloignées des capacités de l’enfant. A l’IME, j’ai principalement pu repérer deux types de dérives : Les surstimulations et l’orientation des initiatives de l’enfant dans l’intérêt de l’adulte.

    a)     Les surstimulations :

    Concernant les surstimulations, L. VITGOSKY évoque que si la stimulation se situe en dehors de la ZDP, elles s’avèrent néfaste et engendre « tensions, frustrations, échec, dévalorisation, méfiance par rapport aux apprentissages [88]». Des situations de ce type étaient fréquentes à l’IME, où l’évidence des plannings d’activités fixés en amont, me faisait oublier de questionner la compatibilité de ces activités avec le rythme physiologique des enfants. Ce fut le cas pour Maëlle (8 ans).

    [ Chaque mardi, Maëlle allait avec un groupe d’enfant de l’IME à un atelier cirque qu’elle appréciait. Elle poursuivait son après midi en rejoignant son groupe habituel pour un atelier de musique au conservatoire de la ville accompagné par ma référente et moi-même. Si les transmissions des éducateurs du matin nous indiquaient que Maëlle s’investissait beaucoup et prenait plaisir à cet atelier cirque, il n’en était pas de même l’après midi.  Maëlle se retrouvait fréquemment en difficulté durant la séance musique de l’après midi et perturbait par la même occasion l’activité et les enfants présents, par son irritabilité et son manque d’attention. On pouvait également voir lors de nombreuses séances Maëlle s’endormir dans les bras de ma référente, signe de l’état de fatigue de la jeune fille. A la fin de l’année, nous nous étions alors réorganisés pour que Maëlle puisse avoir une sieste l’après midi en fonction de son état suite à son activité matinale. A partir de cet instant, les moments de frustrations de Maëlle furent de plus en plus rares le mardi. ]

    En effet pour palier ces surstimulations, le repérage du rythme et de l’état de fatigue de chacun est indispensable. Le respect des besoins physiologiques est nécessaire pour que le lien que nous créons avec ces enfants ne soit pas impacté par l’organisation institutionnelle ou nos négligences.

    b)     L’orientation des initiatives de l’enfant dans l’intérêt du professionnel :

    Dans d’autres situations, le rythme physiologique des enfants étaient respecté mais les attentes des adultes dirigeaient les initiatives des enfants dans leurs intérêts propres. L. VITGOSKY évoque alors que le lien peut facilement être détourné bien que cela reste peu perceptible de l’extérieur. Ces détournements du lien prennent alors la forme «d’abus de confiance, de détournement des sentiments affectifs[89] » et peuvent être à l’origine de conflit « adulte-enfant ». C’était par exemple le cas lorsque j’entendis une éducatrice utilier sa relation à l’enfant dans l’idée de faire produire une réalisation à l’enfant (Éducatrice :« allez s’il te plait fait le pour moi »). On voit ainsi qu’au quotidien, ces pratiques peu « authentiques » peuvent émerger si un cadre n’est pas fixer concernant nos attentes et notre écoute de l’enfant. Je me suis retrouvé à plusieurs reprises dans des situations similaires ou j’avais déguisé mes difficultés en utilisant à des fins personnelles le lien à l’enfant en dépit de l’écoute de ce qu’il m’exprimait.

    [ Moussa (5 ans) s’est absenté trois semaines en novembre, soit deux mois après son arrivée à l’IME. Nous sommes jeudi et à notre surprise Moussa a refusé la veille de sortir de la salle de vie pour reprendre l’école situé dans l’IME. L’institutrice revient nous voir aujourd’hui en salle de vie pour lui proposer de venir à nouveau comme convenu sur son emploi du temps. Alors qu’il est à table à découper une feuille, à l’arrivée de l’institutrice, Moussa s’empresse de se réfugier dans le canapé et cache sa tête dans un coussin. Nous essayons à tour de rôle (moi et ma référente) de le rassurer mais rien n’y fait. L’institutrice n’insiste pas et sort en disant d’un ton détendu « on réessaiera une prochaine fois ». Une fois qu’elle est sortie, Moussa part du canapé et se dirige vers une armoire en se cachant les yeux et en imitant l’intonation d’un décompte « 3,2 1… ». Je me rappelle alors que la veille un jeu de cache-cache similaire s’était mis en place. Je profite de l’occasion pour me cacher derrière dans le couloir à l’extérieur de la salle dans l’idée de lui faire découvrir le chemin pour rejoindre l’école. Moussa me cherche du regard dans toute la pièce, sors prudemment et sourit une fois qu’il m’a trouvé. A ce moment, je décide de reculer un peu plus dans le couloir en direction de l’école. Il fait quelques pas hésitant avant de s’arrêter. Son air est perplexe quand il me regarde et je devine son incompréhension de mes intentions. Il fait alors marche arrière et retourne dans la salle. A ce moment Caroline le prend dans les bras en chantant une chanson pour l’emmener à l’école, ce qui n’empêche pas Moussa de manifester son opposition par son agitation et ces gémissements. ]

    Comme on peut le voir dans ce cas, Il est vrai que les attentes de compétence face à ces enfants en situation de handicap peuvent inciter à vouloir accélérer leurs processus d’apprentissage. Mais cela se traduit généralement par un détournement du lien et une méfiance quant à l’adulte et les apprentissages qui ne sont pas dans l’intérêt de l’enfant. Comme le dit M. DAVID : « La lenteur ou la rapidité du rythme n’a pas d’influence sur la qualité des acquisitions […] chaque rythme adopté par l’enfant est au service d’une bonne intégration et, à ce titre, il paraît important de le respecter[90]

    Mon intervention montrait peu d’authenticité dans ma démarche du fait de l’utilisation du jeu de Moussa à un autre intérêt que celui qu’il s’était fixé. Même si cela peut paraitre anodin, elle génère une méfiance chez l’enfant lorsque ces initiatives sont détournées à des objectifs qui ne sont pas les siens. De même forcer l’enfant ne parait pas constructif si les apprentissages sont vus comme imposés et éloignés de ces intérêts. Une écoute de soi et du rythme de l’enfant paraissent des évidences mais nécessitent une réflexion constante sans quoi le lien établi avec l’enfant ne sert plus ces intérêts. Il est pour cela important de pouvoir reconnaitre ces difficultés et de les partager en équipe. Pour information, lors de la journée de classe suivante, Moussa ne marqua pas d’opposition et suivi Caroline jusqu’à la salle de classe. Mais il n’y resta que quelques minutes avant de revenir en salle de vie.

    Le respect du rythme de l’enfant associé à une écoute de nos attentes et une réflexion en équipe sont dès lors des conditions de base pour éviter d’utiliser le lien à l’enfant vers des objectifs décentrés de ces projets.

    B)   L’accompagnement des frustrations de l’enfant :

    a)     Présentation de Maëlle et « ces colères » :

    « Et la haut dans sa chambre, Robert sent une chose qui monte, monte, monte.. Jusqu’à ce que … RHAAAAAAAAAAAA ![91] » M.D’ALLANCÉ, Livre jeunesse « Grosse Colère »

    Ce livre « Grosse colère » était un des préférés de Maëlle. Elle en connaissait les textes par cœur et nous devançait souvent d’un air amusé dans nos lectures. Il est vrai que « les grosses colères » Maëlle les connaissait bien.

    [ Nous sommes à table avec les cinq enfants de notre groupe lorsque Maëlle se laisse aller par terre dans une crise impressionnante à mes pieds. (Cris, agitations, bouge ses bras et ses jambes de manière incohérente). Je sors de table et m’accroupi doucement vers elle. Maëlle continue de s’agiter et je croise au même moment le regard perplexe d’une éducatrice assise sur une table à côté. L’éducatrice dit alors à Caroline (ma référente) d’un ton ironique : « Il va falloir que tu apprennes à ton stagiaire ce que c’est la frustration ! ». Caroline ne répond pas et prend le relais avec Maëlle qu’elle emmena dans le couloir lui expliquant qu’elle pourra revenir quand elle se sera calmée. ]

    Cette observation m’a profondément marqué pour plusieurs raisons : La première est l’intervention de l’éducatrice à mon propos. Les réponses pour me défendre me paraissaient d’ailleurs aussi stériles que les propos qui m’ont été adressés. De plus, elles auraient laissé de côté une réelle question soulevée ici : La frustration.  Ces fameuses « colères de Maëlle ». Comment les accompagner ? Nous avons beaucoup échangé à ce sujet avec Caroline, de la possibilité ou non d’un « caprice » de la part de Maëlle, de la fréquence de ces colères, mais nous étions, il est vrai quelque peu démunis face à ces vives réactions. Difficile d’identifier les éléments de l’environnement pouvant déclencher ces colères tellement certains de ces déclencheurs s’apparentaient à des détails à nos yeux. Pourtant il est certain que Maëlle y accordait de l’importance. Elle ressortait littéralement épuisée de ces moments, le visage suintant, le regard vague.  Ces colères véhiculaient en moi des flots de questions sans réponse. Comment faire en sorte que ses moments de crise ne soient pas synonymes d’échec et de rupture du lien pour elle ? Notre fonctionnement avec Caroline était empirique, c’est-à-dire qu’il reposait sur ce que Caroline avait perçu, bien avant mon arrivée en stage, comme « fonctionnant » avec Maëlle. Généralement, Maëlle était écartée du réfectoire pour être mise seule dans le couloir. Nous lui verbalisions qu’elle pouvait revenir à table une fois «calmée». De temps à autres, nous avons essayé d’autres approches avec plus ou moins de succès que j’expliquerai par la suite.

    b)     Apports théoriques sur la frustration par S.FREUD et D.W.WINNICOTT :

    L’introduction de cette partie est amorcée par le concept de « créativité » de D.W. WINNICOTT qui m’a motivé à m’intéresser au principe de « destructivité » de l’enfant.  Cette « destructivité » me paraissait se rattaché à l’état dans lequel se trouvait Maëlle et que nous avions dans notre quotidien qualifié de « colère » ou de « crises ». 

    Avant le modèle de D.W. WINNICOTT, la position classique basée sur la théorie de S. FREUD développait le principe de frustration sous l’idée que « la réalité nait dans la frustration[92] », c’est à dire que c’est parce que l’on n’a pas quelque chose qu’on le découvre et donc qu’elle existe indépendamment de nous. Ce point de vue ne posait pas de problème quand on l’appliquait à des enfants ordinaires mais posait fréquemment question auprès d’enfants ou d’adultes psychotiques par exemple. R. ROUSSILLON éclaire ce point de vue en expliquant qu’avec ces enfants qui tolèrent très peu la frustration, « ce n’est pas en les frustrant plus que cela leur donne accès à la réalité [93]». Ils se soumettent généralement à l’adulte au bout d’un certain temps mais cette mise au contact de la réalité ne provoque pas un accroissement de leurs capacités à tolérer cette frustration. Ce modèle rejoignait également nos observations quotidiennes de Maëlle : ses crises étaient récurrentes et Maëlle ne nous laissaient pas percevoir une meilleure tolérance à la frustration pour autant.

    D.W. WINNICOTT complexifie cette idée de frustration en s’intéressant aux premières rencontres entre la mère et son bébé. Si la mère est au départ dans un ajustement permanent avec son enfant, progressivement de brefs écarts vont petit à petit apparaitre entre « l’objet crée par le bébé [94]» et « l’objet trouvé et présenté par la mère [95]». Ces écarts d’ajustement vont impulser des mouvements dits de « destructivité » chez le bébé, qui semble en rage, s’agite de tous ses membres, comme pouvait le faire Maëlle mais à travers le corps d’une fille de 8 ans. L’idée sous jacente à cette destructivité est que l’enfant a l’impression d’avoir totalement perdu ou « détruit » sa capacité à s’auto-satisfaire. En effet, selon D.W. WINNICOTT, le bébé a une illusion d’auto satisfaction du fait qu’il exprime son besoin et qu’en même temps la mère y répond quasi-instantanément du fait de son état d’hypersensibilité au besoin de son bébé. C’est cet état que nous évoquait le comportement de Maëlle durant ces moments de crises.

    c)     Les réponses possibles de l’adulte face aux frustrations de l’enfant :

    Face à cet état, D.W. WINNICOTT indique qu’il existe trois types de réponse possible :

    La première réponse est une réponse de représailles marquées par une agressivité de l’adulte envers l’enfant. Dans ce cas l’adulte renvoi en écho amplifié l’état d’agressivité de l’enfant à lui-même, « c’est la répression de la pulsion qui elle-même l’amplifie[96]». Cette amplification par l’adulte revient ainsi en écho à l’enfant et provoque un sentiment de terreur chez ce dernier. Cette idée se voit illustrée au quotidien par l’idée : « ce n’est pas un enfant qui va faire la loi » et engage un rapport de force sans issue pour l’enfant. J’ai pu l’observer à plusieurs reprises lors de moments de confrontations difficiles entre enfant et éducateur : L’exemple type étant pour l’adulte de se mettre à crier plus fort que l’enfant en état de panique.  La relation s’apparentait alors plus à une soumission de l’enfant à l’adulte du fait même du rapport de force instauré.

     La seconde possibilité de représailles est marquée par « le retrait ». On peut le qualifier de retrait affectif et il peut s’accompagner d’une rupture du lien pour l’enfant. Il peut en effet marquer une rupture si le bébé n’a pas eu auparavant la possibilité d’accumuler assez d’expériences gratifiantes pour construire un sentiment de confiance en soi et en l’autre suffisamment bon.

     La dernière réponse possible est appelé celle de « la survivance de l’objet ». C’est cette dernière qui nous intéresse et qui induit un nouveau regard sur notre compréhension de la frustration. « Survivre » signifie ici, pour D.W. WINNICOTT, ne pas exercer de représailles et/ou ne pas se retirer affectivement.

    d)     La place de l’éducateur durant les moments de frustrations de l’enfant :

    D.W. WINNICOTT explique que c’est la « créativité » mise en œuvre par l’adulte pour reprendre le contact avec l’enfant qui va permettre à l’enfant de découvrir que l’adulte peut survivre à sa colère et donc à sa destruction supposée. L’adulte doit donc inventer la modalité de reprise de contact avec l’enfant. D.W. WINNICOTT dit qu’il se passe quelque chose d’extraordinaire si la mère arrive à reprendre contact avec le bébé car cela permet pour l’enfant de percevoir l’adulte comme un sujet à part entière. Ce sentiment nous le partagions avec Caroline lorsque nous réussissions à rétablir ce contact. C’était notre travail de recherche quotidien « de subtilités invisibles [97]».

    [ Maëlle (8 ans) est en état de forte colère à table et Caroline l’amène dans le couloir du réfectoire comme à son habitude. Je pars rejoindre Maëlle, et m’approche près d’elle (en train de gesticuler dans tout les sens). L’espace d’un instant, je réussi à croiser son regard en débutant une comptine inventée qui comprend son prénom.  Je chante durant une petite dizaine de minutes en tailleur à ses côtés en me balançant en rythme au milieu du couloir. Je sens au fur et à mesure de mes paroles que Maëlle s’apaise. Parallèlement son attention se focalisait sur ma à ma comptine. Maëlle resta ensuite allongée sur le côté en récupérant de ses sanglots. ]

    A de nombreuses reprises, des tentatives de ce genre échouèrent auprès de Maëlle. Néanmoins l’importance accordée à nos tentatives me paraissait essentiel. Elle soutenait l’idée que nous avions un rôle à jouer dans ces moments de fortes intensités émotionnelle chez Maëlle. A ce propos D.W. WINNICOTT dit : « Le devenir de l’organisation de la pulsion ne dépend pas que du sujet mais de la dialectique entre la pulsion et la réponse de l’environnement [98]». Autrement dit l’état de crise de l’enfant ne dépend pas seulement de lui-même mais de la réponse que nous éducateur allons donner à l’enfant qui vit cet état.

    L’enjeu au quotidien en tant qu’éducateur est double :

    Premièrement nous devons « survivre » à l’état de destructivité de l’enfant, c’est-à-dire de pas exercer de répressions et/ou de violences. R. ROUSSILLON explique cependant que personne n’est exempté de ce type de réaction au contact de l’enfant bien que cela paraisse évident une fois posé par écrit. L’important est de percevoir que nous adultes (compris derrière le terme environnement) avons un rôle clé à jouer lors des moments de frustration de l’enfant. Ce n’est pas seulement à l’enfant de « faire l’effort » de s’apaiser seul mais aussi à l’adulte de trouver une modalité de reprise de contact. Deuxièmement il semble important de rétablir le contact « de manière créative ». C’est à nous d’user d’inventivité pour que notre modalité de reprise de contact soit respectueuse de l’enfant et lui permette de constater ce que M. LEMAY définit comme « la fiabilité de l’adulte[99] ». Notre créativité dans ces moments clés est essentiel et se trouve être notre principal matériel de travail avec les enfants. Elle peut aussi être perçue par l’adulte comme l’idée « d’orienter l’agressivité de l’enfant dans des voies constructives[100] » comme le souligne C. BOPP-LIMOGES.

    L’essentiel n’est pas de s’ajuster parfaitement à l’enfant mais plutôt d’entamer un travail d’ajustement réciproque entre enfant et adulte. A nous d’entamer ce travail d’ajustement en offrant à l’enfant un espace ou il pourra lui aussi être actif et tenter de s’ajuster. C’est grâce à une observation quotidienne et un tâtonnement réfléchi créativement que l’enfant pourra progressivement s’éveiller au monde et maintenir l’exploration de ses envies et potentialités.

    Cette seconde partie vient montrer l’importance d’une relation fiable et continue faisant suite à la rencontre avec l’enfant. Elle montre que ces moments de rencontres s’ils sont intégré dans un démarche continue d’observation et d’ajustement de l’adulte permettent de renforcer la relation entre le professionnel et l’enfant. Il convient néanmoins d’être conscient des difficultés pour maintenir un lien qui reste en accord avec le projet personnel de l’enfant et non l’intérêt du professionnel. Pour anticiper ces dérives, il parait donc essentiel de pouvoir profiter d’une réflexion d’équipe et d’un échange régulier avec les familles pour éviter un isolement du professionnel et un manque de remise en question de nos pratiques éducatives. Nous allons terminer ce mémoire en évoquant la nécessité de penser la relation éducative à travers une réflexion impliquant un travail en équipe pluridisciplinaire et un accompagnement des familles pour l’épanouissement des enfants dans cette institution.

    III-   LA RELATION EDUCATIVE : AU CARREFOUR D’UNE REFLEXION PLURIDISCIPLINAIRE ET D’UNE ALLIANCE AVEC LES FAMILLES 

    Après avoir expliqué l’intérêt d’une relation éducative fiable et soutenante, il est important de préciser que la construction de cette relation doit s’inclure dans une réflexion d’équipe en partenariat avec la famille de l’enfant. Cette troisième partie vient soutenir l’apport fondamental des familles et de l’équipe pluridisciplinaire pour favoriser l’épanouissement de l’enfant tout au long de son parcours en IME.

    1-    LE TRAVAIL EN ÉQUIPE PLURIDISCIPLINAIRE, UN ACCORDAGE PROFESSIONNEL :

    Si la majorité du temps de l’enfant à l’IME s’effectue en présence de l’éducateur, son orientation dans cette structure est en premier lieu motivée par l’intérêt d’une prise en charge globale (éducatif, psychologique, paramédicale). Cette globalité est marquée par la présence d’une équipe pluridisciplinaire au sein de l’institution.

     A mon arrivée, j’ai perçu peu d’échanges entre les éducateurs et les autres professionnels accompagnant l’enfant (scolaire/paramédicaux/médicaux/psychologue). La pluridisciplinarité est définie par « un travail d’équipe permettant de mettre en lien les différentes connaissances de chacun [101]». Cette mise en lien ne m’était pas évidente dans un premier temps. J’avais la sensation que chaque professionnel se voyait cantonné à son domaine de compétence propre. Comme le souligne C. JEANNIN-CARVAJAL, «la globalité n’est pas la juxtaposition d’interventions de différents professionnels autour de l’enfant mais l’apport de la réflexion d’une équipe autour d’un enfant[102]». Il me paraissait important qu’une mise en lien entre ces professionnels soit possible.

    A)    La dynamique de projet en direction de l’enfant, point de rencontre de l’équipe pluridisciplinaire :

    Le travail en équipe me parait essentiel pour favoriser l’épanouissement de l’enfant. Pour autant comment établir un lien avec les professionnels de l’équipe pluridisciplinaire ? Ma démarche a été de partir de ce qui nous rassemble tous en tant que professionnel : l’intérêt de l’enfant. Ainsi pour découvrir les différents professionnels de l’IME, je me suis appuyé sur la mise en place d’un projet en direction des enfants du groupe que je suivais. L’idée de ce projet était de mettre en avant l’intérêt du jeu dans l’environnement proposé aux enfants. En effet, l’observation des jeux et du matériel que nous avions en salle de vie, m’a montré les limites de l’environnement proposé aux enfants. Ces jeux, faute de moyens, ne pouvait pas être renouvelé et réajusté régulièrement pour répondre aux besoins des enfants. Partant du principe que « tout espace aménagé constitue un Behaviour-setting c’est-à-dire une assise socio-spatiale façonnant le comportement [103]», l’influence de l’environnement et notamment des jeux à disposition m’est apparue comme un enjeu important pour favoriser l’expression des potentialités des enfants. Ce projet a débuté par des échanges avec ma référente de stage pour réfléchir au moyen d’enrichir l’environnement et les jeux des enfants.  Du fait du peu de jeux réellement adaptés aux enfants, nous avions commencé par construire et ramener chacun de notre coté des réalisations personnelles (ex : marionnette, cabane) ou des objets de récupération (bouteilles de lait, Boites d’aliments pour une dinette). Cependant, nos ressources se sont rapidement trouvées limitées. Pour remédier à cela, la présence des différents professionnels m’est apparue comme notre principale ressource. Ainsi en parallèle de nos productions sur le groupe, nous échangions à propos de notre démarche avec l’EJE de la section des plus jeunes qui, nous a spontanément fourni à plusieurs reprises de quoi renouveler nos jeux (complément pour la dinette, des jeux d’encastrement). De la même manière, lors de retours de séance de Maëlle, la psychologue a appris que nous avions construit un théâtre et nous a apporter des marionnettes. Pour terminer en fin d’année, nous empruntions quotidiennement des jeux que possédait la psychomotricienne et non présents sur les groupes éducatifs (différentes balle à picot, et jeux principalement axés sur des stimuli sensorielles).

    L’intérêt premier était ici de pouvoir répondre aux besoins d’expérimentation des enfants en s’appuyant sur les ressources matérielles propres à chaque membre de l’équipe pluridisciplinaire. Le second intérêt a été de rencontrer, d’échanger avec les professionnels de cette équipe pour s’ouvrir à une réflexion plus riche de l’accompagnement des enfants. La découverte de ces différents professionnels, par l’intermédiaire de ce projet de jeux, a été l’occasion d’entrevoir l’intérêt d’un travail en équipe pluridisciplinaire.

    B)   Un enrichissement de l’accompagnement de l’enfant par une réflexion d’équipe :

    Un des points importants de ce travail en équipe est qu’il permet une mutualisation des compétences de chaque professionnel. Généralement, le travail en équipe pluridisciplinaire est associé au terme complémentarité. Néanmoins comme le souligne G. TISSIER, ce terme « ne recouvre pas réellement la conception du travail d’équipe [104]» . Il lui est préférable le terme de « supplémentarité [105]» qui se définit ainsi : « le travail de l’un n’est ni indépendant ni indissociable du travail de l’autre, mais l’action de l’un agrémente et favorise la pratique de l’autre [106]». A l’IME chaque professionnel affectionne des supports privilégiés pour rentrer en relation avec l’enfant, pour l’aider à s’épanouir et chacun possède une créativité dans son attitude et ses propositions. Il parait important de pouvoir communiquer et mutualiser ces savoirs pour enrichir notre pratique. Par exemple, à la fin d’une journée, une éducatrice m’invita à venir observer l’aménagement de la salle de vie de son groupe d’enfant. Cette invitation fut l’occasion de m’inspirer d’outils qu’elle avait mis à disposition des enfants. A d’autres moments, ce fut des échanges de comptines avec la psychomotricienne qui se suivit d’un questionnement plus général sur des enfants du groupe. L’idée ici est de s’inspirer des savoirs de chacun pour se les réapproprier auprès des enfants que nous côtoyons. Cela reprend l’idée de J. LACAN lorsqu’il dit “Faites comme moi mais ne m’imitez pas.” Généralement, le partage des initiatives des professionnels se voyait étayé par l’apport des membres de l’équipe. Ce partage d’initiatives ponctué de réussite ou d’échec demeure des pistes importantes de réflexion d’équipe pour savoir ce que chacun peut apporter à l’enfant. Cette réflexion commune permet alors une mutualisation des moyens et possibilités de l’équipe pour tendre vers un accompagnement propice au développement et au bien être de l’enfant.

    L’intérêt d’un travail en équipe montre sa richesse notamment lorsque chacun reconnaissait ces limites auprès de l’enfant. La reconnaissance des limites est l’occasion d’encouragé la recherche de partenaires comme lors de la mise en place du projet de jeux qui m’a inciter à aller à la rencontre des autres membres de l’équipe. C’est à partir de ces rencontres et de la régularité des échanges que de nouvelles compétences émergent lorsque nous reconnaissons avoir atteint nos propres limites.

    C)   Une cohésion d’équipe, synonyme d’une continuité pour l’enfant :

    Fréquemment les activités de la journée des enfants étaient entrecoupées de temps de prise en charge (psychomotricienne, orthophoniste, scolaire). Pour que ces moments de transition ne viennent pas entraver l’intérêt des prises en charges et des activités, que se soit l’enfant sortant de la salle de vie où ceux qui y restent, il était nécessaire d’établir un lien de confiance avec les autres membres de l’équipe. La qualité de l’accueil réservé aux professionnels venant chercher un enfant pour une séance est alors un témoin de la confiance accordée entre professionnels.

    [ Jeudi matin. Moussa (5 ans) à rendez vous pour une séance de 45 min avec Marie (psychomotricienne). Ma référente prévient Moussa que je l’accompagnerai pour aller à cette séance. A l’arrivée de Marie, elle explique à Moussa qu’ils vont « aller jouer dans une autre salle qu’il ne connait pas encore ». Moussa manifeste son désaccord en exprimant un « non » d’un mouvement de tête. Je lui explique que nous allons aller tous les trois jouer dans la salle de Marie (psychomotricienne). Il accepte de rejoindre la salle en nous tenant la main à tous les deux, en esquissant un sourire. J’ai ensuite assisté à l’intégralité de la séance, principalement en tant qu’observateur, où j ai regardé Moussa passer de temps de jeux à mes côtés à des échanges avec Marie où il lui montrait les jeux qui l’intéressaient.]

    La place accordée aux professionnels de l’équipe dans la salle de vie de l’enfant montre notre considération et notre intérêt pour la présence de l’autre. Cette considération m’évoque le besoin d’un travail et d’une cohésion d’équipe. D’une part car seul, nous limitons notre point de vue sur les potentialités de l’enfant et d’autre part nous engendrons une dépendance de l’enfant à notre égard. Or la richesse des expérimentations de l’enfant passe par ces rencontres avec les différents professionnels de l’IME. La cohésion d’équipe passe alors par une réflexion sur notre objectif commun et les valeurs qui nous rassemblent.

    Pour favoriser cette réflexion, une connaissance des rôles et missions des différents membres de l’équipe permet de donner une place à chacun et favoriser une compréhension mutuelle. Cette cohésion est essentielle car elle permet à l’enfant de percevoir l’équipe comme un repère affectif stable sur lequel il peut s’appuyer. Elle permet d’éviter de créer une dépendance à un professionnel, qui pourrait limiter les possibilités d’expérimentation de l’enfant.

    Pour cela, l’accueil des différents professionnels côtoyant les enfants est un préalable pour favoriser un travail d’équipe basé sur l’échange des observations et réflexions de chacun. A ce propos « La pluridisciplinarité semble trouver son efficience dans le temps d’élaboration propre à l’institution, mais aussi dans le temps que chaque professionnel passe à dialoguer avec ses collègues [107]». Les temps d’échange entre professionnels sont peu fréquents à l’IME et se situent généralement au moment des transitions entre une activité et des séances paramédicales. Il est donc important de ne pas qualifier ces moments comme de simples transmissions mais de réels échanges entre professionnels.

    Pour ce faire, une réflexion de fond est a menés sur l’objectif commun de l’équipe et les valeurs communes aux professionnels pour éviter un clivage de l’équipe. Un morcellement de la prise en charge de l’enfant impacterait les capacités de l’enfant à s’épanouir au vu du peu de continuité et de mise en lien des professionnels de l’équipe.

    D)   Un projet commun de l’équipe pour un repérage globale des besoins de l’enfant :

    Comme dit au début de cette partie, l’intérêt premier de l’équipe pluridisciplinaire est de tenter d’avoir un regard global sur les besoins et potentialités de l’enfant. A ce titre, E. MORIN définit la « transdisciplinarité » en disant : « Je tiens pour impossible de connaître le tout si je ne connais les parties, ni de connaître les parties si je ne connais le tout [108]  ». Ce processus de connaissances réciproques des spécificités et de la globalité des besoins de l’enfant se matérialisait à l’IME par les réunions de synthèse annuelle des enfants. Elle rassemblait l’ensemble de l’équipe accompagnant l’enfant dans son quotidien (médecin, éducateur, psychologue, etc…).  Le but de cette réunion est, à travers un échange commun, de définir un projet individualisé de vie pour l’enfant (P.I) et pour réajuster les propositions qui lui sont faites (activités, prise en charge).

    Durant cette réunion, chaque professionnel avait la possibilité d’aborder ses observations de l’enfant, les bénéfices mais aussi les limites de son accompagnement. Pour que les limites de chacun puissent être acceptées et admises comme une base de travail commune, il est essentiel qu’un climat propice à l’écoute soit possible, notamment par un rappel d’un objectif commun à l’équipe et de l’importance du rôle de chacun. Ce climat permet de laisser une place active à la créativité de l’équipe pour élaborer des accompagnements individualisés en favorisant un regard croisé des professionnels.

     Ainsi lors d’une réunion de synthèse de Moussa, j’ai pu observer que suite à des observations communes de deux professionnels (psychomotricien et ergothérapeute) ceux-ci ont réfléchi à construire une prise en charge commune pour l’enfant en tenant compte des différents avis de l’équipe. En effet, pour que la construction du projet personnel de l’enfant soit la plus adaptée possible, il parait nécessaire de pouvoir comprendre les champs d’intervention et le positionnement de chacun. Cette recherche d’une compréhension globale de l’enfant, nous incite à nous intéresser à la définition du terme de globalité. R. SALBREUX la définie par : «l’enfant est un dans toutes ses dimensions, physique, mentale, affective, familiale et sociale. Il importe qu’elles soient toutes prises en compte dans le projet de soins et d’accompagnement offert à la famille[109]».

    Ainsi après avoir échangé en équipe sur le projet de vie de l’enfant, ce projet doit être questionné avec sa famille. Nous allons dès lors nous intéresser à l’importance d’intégrer les familles dans l’accompagnement de l’enfant.

    2-     UNE ALLIANCE AVEC LES FAMILLES INDISPENSABLE :

    Si le travail en équipe a pour objectif de tendre vers une approche globale de l’enfant pour favoriser son bien être au sein de l’institution, une des caractéristiques de cette globalité est justement la prise en compte de la dimension familiale et sociale de l’enfant. Il est donc nécessaire de percevoir que la relation créée avec l’enfant et décrite dans les deux premières parties de ce mémoire doit également s’inscrire dans une prise en compte des projets familiaux de chaque enfant. Pour cela, il nous faut nous intéresser à l’accompagnement et à la participation des familles en IME.

    A)    Contexte des familles des enfants de l’IME :

    Parmi les 46 enfants accueillis à l’IME, une seule enfant était accompagnée et raccompagnée par ses parents. Il se trouve que cette enfant a fait partie des cinq enfants que j’ai côtoyés. A cette exception près, les rencontres avec les familles n’étaient possibles qu’à travers quatre temps annuels : La rencontre lors d’une réunion de rentrée, la fête de l’IME (prévu sur une ½ journée), un bilan intermédiaire en milieu d’année et une restitution de la synthèse faite par les professionnels de l’IME qui avaient accompagné l’enfant durant l’année. La présence des parents était donc assez éloignée du quotidien de l’institution.

    Pour autant, créer une alliance avec les familles me paraissaient un enjeu de fond pour accompagner au mieux les enfants. D.W. WINNICOTT disait «Un bébé ne peut pas exister tout seul, il fait essentiellement partie d’une relation[110]». C’est à ce titre que la famille et notamment les parents me paraissent indissociables de leurs enfants. Les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants et une complémentarité des points de vue professionnels et familiaux serait un gage de continuité des repères, si importants pour les enfants. Cependant le handicap d’un enfant peu perturber et apporter une certaine confusion des rôles entre parents et professionnels. M. TITRAN disait à ce propos que pour accueillir au mieux ces enfants « ils nous faut renoncer à la capacité que nous avons d’éduquer les parents qui, par leur état d’adulte sont inéducables. Il convient par contre d’aider à construire cet espace, où chacun peut se sentir suffisamment protégé, être reconnu et en sécurité suffisante[111]. »

    Le rôle de l’éducateur de jeunes enfants est alors de leur accorder cette place de parents en permettant que « ces capacités [à être parent] émergent chez les parents que nous soutenons [112]».  Mais cela exige pour nous professionnels d’aller à leur rencontre. A travers ces rencontres, c’est une part de leur culture, de leur histoire et de leur enfant que nous découvrons qui s’avère importante pour comprendre le processus éducatif propre à chaque famille. Cependant à l’IME, les moments de rencontre sont rares. Le lien parents-professionnel est sans cesse remis en question de part le peu de moments de communication présents entre les deux parties. Pourtant un point commun relie les parents aux professionnels : leur intérêt commun pour l’enfant. Si nous voulons découvrir ces enfants, il nous faut rencontrer sa famille. J’évoquerai pour commencer une facette de l’accompagnement à la parentalité en IME par l’intermédiaire des parents de Maëlle, du fait de leur présence quotidienne aux arrivées et départs de leur enfant à l’IME.

    B)   La découverte du travail avec les familles :

    a)     La création d’une alliance avec le père de Maëlle :

    L’arrivée dans une famille d’un enfant en situation de handicap engendre une parentalité particulière. S. KORFF-SAUSSE évoque « la difficulté de s’identifier à l’enfant différent pour ces parents transparaissent dans leurs attitudes éducatives parfois incohérentes ou excessives (surprotection, exigence trop rigides, absence de désir et de perspectives d’avenir) [113]». Il est vrai que j’ai retrouvé certains de ces attitudes dans la représentation que j’avais des parents de Maëlle où du moins avant de les rencontrer. Le tableau qui se dressait devant Caroline et moi était le suivant : Un père qui paraissait lointain lorsque j’évoquais sa fille face à lui et en parallèle une mère transmettant son anxiété à travers ses écrits journaliers de son cahier de liaison. La rencontre des parents, tout comme celle de leur enfant, nécessite de prendre le temps de s’apprivoiser.

    Au début du stage, j’ai essayé d’aborder le père de Maëlle. Durant les deux premiers mois, j’étais enthousiaste à l’idée de pouvoir échanger avec un parent, fait rare dans cette institution. L’équipe m’avait au préalable prévenu que ce père paraissait de nature discrète. Ainsi plusieurs fois dans la semaine avec ma référente de stage nous allions chacun notre tour raccompagner Maëlle à l’entrée du hall de l’IME. Cependant à chaque transmission, lorsque je tentais d’aborder la journée de l’enfant avec son père, je voyais son visage indifférent me répondre « Allez viens Maëlle, on y va ». Ce scénario se répéta durant de nombreuses semaines que ce soit avec moi ou ma référente. Je me suis alors questionner de manière plus approfondi sur ma manière d’aborder ce père.

    Avions-nous réellement pris le temps de nous rencontrer ?  L’idée d’échanger avec ce père me semblait avant tout déterminée par mes attentes plutôt que les siennes. Il m’a fallu revoir ma façon de rencontrer ce père. En effet, faire alliance avec un parent exige du temps, de se dévoiler un peu plus chaque jour mais aussi de savoir se faire discret lorsque le moment de l’échange n’est pas opportun. « Dans le cas de parents évitant les contacts, à nous de faire preuve de patience et de surmonter les tentations de l’indifférence à leur égard [114]».Ce principe d’alliance avec les parents me paraissait essentiel, et la définition qu’en dresse M. TITRAN, illustre pour moi cette idée d’une rencontre authentique : « Prendre le temps de faire alliance dans le sens de s’unir, se lier, tisser du lien pour se connaître, se reconnaître et développer une confiance, une culture commune[115].»

    b)     Une alliance passant par les centres d’intérêt du parent :

    Il fallait certes du temps mais il fallait également développer cette « culture commune » comme le souligne M. TITRAN, et cela passait par une rencontre de cette personne, de ses attentes et ses besoins propres avant d’évoquer sa fille. Le support de cette rencontre, je l’ai découvert par hasard en observant l’EJE de l’IME, référente de Maëlle lorsqu’elle était plus jeune, et le père de l’enfant lors d’une pause cigarette. Celui-ci échangeait avec enthousiasme avec cette professionnelle. Une fois cet échange terminé, j’ai ensuite échangé avec l’EJE sur cette situation et elle m’a raconté qu’il n’arrêtait pas de parler « de travaux, où de bricolage qu’il faisait à la maison pour ensuite les revendre sur le bon coin ! ». L’enjeu a alors été de connaitre ce père à travers ses centres d’intérêt. Petit à petit, je commençais à parler « du bon coin », certaines fois brièvement, d’autres fois durant quelques minutes. Le sujet du « bon coin » se transforma de temps à autre en conversation de « bricolage » et se trouvait de plus en parsemé par des détails du quotidien de Maëlle (ex : « Elle ne dort pas très bien en ce moment ; Oh le réveil était difficile aujourd’hui »)

    [ « Nous sommes le 11 juin, début de l’Euro 2016 de football en France et quelques jours avant mon départ de l’IME. Il est 9h30 et je me présente à l’entrée du hall pour accueillir Maëlle, j’adresse un bonjour à Maëlle et à son père qui me répond d’un ton énergique :

     Père : « Ah les croates qu’est ce qu’ils ont envoyés hier soir dit donc ! »

    Moi : « Oui j’ai vu ça ! Moi c’est le match de ce soir que j’ai hâte de voir »

    Père : « Tu vas regarder le match ? »

     Moi : « Oui fin je dis ça je n’ai pas de télé, je suis sur internet » en riant

    Père : « Quoi ? Comment ça t’as pas de télé ? Mais va sur le bon coin tu en trouves pour rien… hey, attends je te trouve ça pour demain tu vas voir » me dit il d’un ton des plus convaincu en se dirigeant vers la sortie du parking .Je lui répondis en souriant «Sans problème ».

    A 16h00, j’aperçois le père de Maëlle se présenter devant le hall. J’accompagne alors Maëlle en la prévenant que son papa arrivait. J’arrive à peine qu’il m’interpelle soudain: 

    Père : « Hey j’ai trouvé des télés pour pas cher, moins de 70 euros… Bon Maëlle, on va aller regarder le match ce soir » en se tournant vers sa fille

    Moi : « Elle regarde le match aussi ? » lui dis-je en souriant.

    Père : « Oui, elle aime bien regarder les matchs avec moi dans le canapé, mais juste la première mi-temps… et puis j’en ai marre qu’elle soit toujours qu’avec Tchoupi et ces trucs là, j’aimerais bien qu’elle s’intéresse à des choses de plus grande » 

    Moi : « Et bien profitez bien, on se fera un retour du match demain matin » dis je en souriant. Il me répondit alors « Oui oui ça marche pas de soucis » en me saluant tout en se dirigeant vers la sortie avec Maëlle.   ]

    Cette conversation si anodine, reflète l’évolution de ma relation avec ce père durant cette année. Le lien établit marqué par l’aisance du père à rester échanger témoigne de la confiance qui s’est construite entre nous au fil des rencontres. Ce lien aura mis un an à s’établir mais ce temps était nécessaire pour accéder à ce père. C’est à travers ce lien qu’a ensuite pu émerger un échange avec ce père à propos de ces ressentis ces désirs, ces attentes et ces appréhensions concernant sa fille. Sans ce lien de confiance, le pari aurait été bien ridicule d’exiger de ce père un échange direct concernant sa fille. M. TITRAN disait à ce propos que « les familles devaient pouvoir accepter sans danger l’aide proposée. Il fallait pour cela qu’elles se sentent suffisamment valables pour être aidées, et qu’elles aient suffisamment confiance en celui qui leur propose l’aide pour accepter de le rencontrer [116]». L’aide ici est subtile, mais c’est bien la création d’une relation de confiance qui bâtit le socle d’une alliance avec ces familles.

    c)     Une alliance par une considération des attentes de chaque parent :

    Ceci dit, la construction d’une alliance est propre à chaque rencontre, à chaque individu comme ce fut le cas de la mère de Maëlle.  Cette mère m’évoquait les mères que décrit S. KORFF-SAUSSE, c’est-à-dire, « inaccessibles à un questionnement psychique[117] » tellement ces dernières sont « envahies par les détails concrets quotidiens de la vie de l’enfant[118] ». Ces détails du quotidien nous les retrouvions chaque matin à la lecture du cahier de liaison de Maëlle. Les transmissions de cette mère foisonnaient de ces détails du quotidien. Du nécessaire de couche à fournir, à l’état de fatigue de sa fille concernant sa dernière nuit, jusqu’aux soupçons concernant la découverte d’un bleu au genou, ces écrits me semblaient le principale lien possible avec l’éducateur.  Les échanges écrits de cette mère pouvait sembler « envahissant » car non gratifiants et rythmés d’une répétition désarmante pour l’éducateur. Néanmoins comme le dit S. KORFF-SAUSSE, « ces mots sont pourtant le seul lien à ce moment donné pour le parent de nous transmettre son angoisse plus profonde » et « il nous faut accepter cette médiation par les soucis du quotidien [119]». Ainsi à chaque fois que je relisais les réponses de Caroline, qui était l’interlocuteur privilégié de la mère de Maëlle, je ressentais à chaque lecture un respect et une considération du message exprimé par cette mère. Le temps consacré aux réponses journalières associé à une écriture toujours individualisée et reprenant des anecdotes du quotidien de Maëlle montrait ce souci de partager le quotidien de l’enfant. Une voie d’accès était possible et nécessaire pour cette mère et elle passait par une relation écrite. Elle donna lieu à des échanges sur les centres d’intérêt de Maëlle à l’IME comme par exemple en évoquant à cette mère, l’attrait de sa fille pour le livre « Grosse colère ». Suite à cet échange, Caroline proposa à cette mère de l’emprunter durant quelques jours pour l’essayer chez elle. Lorsqu’elle nous rendit le livre, elle esquissait un sourire à échanger sur les découvertes et connaissances de sa fille.

    Cette expérience a été une vraie découverte du travail auprès des parents fréquentant l’IME, où le lien à créer avec chaque famille se doit d’être singulier et individualisé pour permettre une réflexion commune en direction de l’enfant : « La construction de cette alliance peut être un parcours plus au moins long et se réinvente à chaque fois en fonction de l’enfant, de la famille, de son histoire ou de ses priorités[120]. ». Ce travail est donc essentiel afin de pouvoir établir une coéducation « parent-professionnel » permettant à l’enfant de s’épanouir au mieux dans l’institution. Cette alliance « parents-professionnel » permettra à l’enfant d’avoir une base suffisamment sécure pour pouvoir se développer au mieux au sein de l’institution.

    C)   La place des familles dans le quotidien de l’enfant à l’IME :

    a)     Une coéducation importante pour l’épanouissement de l’enfant :

    La coéducation est un enjeu central dans l’épanouissement de l’enfant et montre qu’une relation « enfant-professionnel » se doit également d’être regardée à travers le projet que la famille porte à l’enfant. Elle est définie par « ce qui consiste à examiner comment chacun, de sa place, peut contribuer au bien-être de l’enfant, à sa sécurité affective, au développement de sa confiance en lui, en autrui, comment chacun peut l’aider à développer ses capacités à s’autonomiser, ». Cette coéducation nécessite donc une articulation entre l’institution accueillant l’enfant et le milieu familial pour assurer au mieux l’épanouissement de l’enfant. Un des premiers pas à faire dans cette démarche de coéducation pour le professionnel est de se porter témoin du lien entre l’enfant et sa famille. Pour cela, il nous faut rencontrer et échanger avec ces familles pour croiser nos interrogations et nos découvertes. Le quotidien avec des enfants dont le langage est peu compréhensible m’a rapidement sensibilisé à ces échanges avec les parents. En effet, nous pouvons paraitre démunis face aux tentatives de communication de l’enfant qui se sont construites dans le milieu familiale. Nous restons dans ces cas là, aussi démuni que l’enfant qui tente de communiquer avec nous, si nous n’inscrivons pas le parent dans notre démarche d’accompagnement de l’enfant :

    [ En début de stage, Moussa répétait de temps à autres « Gnagna » à divers moment de la journée. Malgré nos tentatives de compréhension et de proposition, la réponse ne lui convenait visiblement pas et la plupart du temps il arrêtait l’échange en retournant avec les autres enfants. Nous n’avions pas pensé à en faire part à sa famille par l’intermédiaire de son cahier de liaison. Quelques semaines plus tard, durant un entretien avec la famille de Moussa, Caroline demanda au père de Moussa s’il connaissait la signification de « Gnagna » ? Il nous répondit en souriant : « Gnagna ça veut dire Fatu pour lui, c’est sa grande sœur ! Elle s’occupe beaucoup de lui, elle lui chante des chansons le soir… ». ]

    Jamais jusqu’à présent nous n’avions parlé à l’IME des frères et sœurs de cet enfant. Depuis cette découverte, sa grande sœur fut invité à participer au rendez vous de l’IME concernant Moussa (bilan de fin d’année, fête de l’IME). De plus, il était aussi important pour nous de repérer dans l’organisation familiale, les interlocuteurs privilégiés pour parler de l’enfant. La compréhension du schéma familial peut ainsi éviter des maladresses ou des attentes de rôles inappropriées des professionnels envers un membre de la famille. Ces différences de schémas familiaux et de rôles parentaux pouvant être éloignées de notre conception personnelle de la famille ne doivent pas être perçu comme un frein à l’accompagnement de ces familles mais bien au contraire être vues comme un terrain d’échange et d’écoute mutuels entre parents et professionnels.

    b)     Les familles, un partenaire de l’accompagnement de l’enfant à l’IME :

    Une autre situation est ici révélatrice de l’importance de donner une place à ces familles au sein de l’institution et de pouvoir échanger avec ces dernières :

    [  Un matin, Caroline reçoit en entretien avec la chef de service, Joachim (8 ans) et sa mère. A leur retour dans la salle de vie, j’aperçois Joachim en sanglots essayant de reprendre sa respiration et Caroline me dit « Il a pleuré pendant tout l’entretien c’était impressionnant (…) Sa maman m’a dit que le matin il ne veut pas venir à l’IME ]

    Pourtant rien ne laissait transparaitre un tel malaise de Joachim lorsque nous l’accueillons chaque matin. Joachim, et son apparente indifférence, s’est ici autorisé en présence de sa mère, à nous exprimer un message important par ces pleurs. F. HÉBERT disait à propos d’enfant autistes : « Il faut se persuader que beaucoup de situations concernant des autistes perturbés ne se résoudront pas dans ces murs si nous n’arrivons pas à signifier à l’enfant que nous reconnaissons concrètement le lien avec sa famille [121]». Cette citation est tout aussi valable pour les enfants côtoyant l’IME. Il est alors nécessaire de donner une place aux familles pour permettre un bien être global de l’enfant dans l’institution et cela débute par la création d’une alliance éducative fondée par une rencontre et un échange entre familles et professionnels. Il faut être prudent dans une institution travaillant majoritairement à distance avec les parents, pour que l’accompagnement de l’enfant ne soit pas réduit seulement à sa relation avec son éducateur référent dans l’IME. Cet isolement de l’éducateur rendrait son observation quotidienne amputée d’un sens qui ne serait accessible qu’à travers un échange avec sa famille.

    Il est donc essentiel de qualifier le parent comme « partenaire » de l’accompagnement de l’enfant au même titre que les différents professionnels de l’institution. Si nous souhaitons le considérer en tant que tel, il est alors essentiel de leur accorder une place dans le quotidien de l’enfant à l’IME.

    [ Vendredi – 16h00 : Après être rentrée d’une sortie au parc, Maëlle s’est endormie sur le canapé de la salle de vie et se retrouve seule sur le groupe suite au départ en taxis des autres enfants. Nous (ma référente et moi) attentons l’arrivée de son père qui a pour habitude de nous attendre devant le hall d’entrée. Nous l’apercevons se diriger devant le hall accueil par la baie vitrée de notre salle. Ma référente semble partagée à l’idée de réveiller Maëlle qui semble dormir profondément. Je lui propose alors de d’inviter son père à venir la chercher dans la salle. Je sors retrouver le père de Maëlle attendant dehors devant l’IME comme d’habitude. Je lui explique la situation et l’invite à venir dans la salle de vie. Il a paru surpris de cette proposition et a accepté d’un ton peu assuré. Une fois arrivé dans la salle, il a aperçu sa fille allongé et nous dit « Ah ça arrive aussi à la maison, qu’elle tombe de fatigue après les ballades ». Ma référente lui décrit alors le lieu où nous étions partis nous promener et échange quelques mots avec le père de Maëlle. Ce dernier prend Maëlle dans ses bras qui se réveille à peine et se blottit contre lui. Il nous dit en esquissant un léger sourire « quand c’est comme ça vaut mieux pas trop la réveiller ». Il nous remercie et sort pour se diriger tranquillement vers la sortie avec Maëlle dans ses bras. ]

    Ce fut une des premières fois que le père de Maëlle fut invité sur le groupe. Des situations similaires se reproduisent durant l’année. Au fur et à mesure de ces passages dans la salle de vie pour venir chercher sa fille, il paraissait plus à l’aise, plus détendu, dans l’échange et dans ses communications. A travers cette invitation à venir en salle de vie, nous donnions l’occasion à ce parent d’être repéré comme « le premier éducateur de son enfant ». Accorder cette place au parent à l’IME est un moyen essentiel pour requalifer le parent dans sa fonction parentale tout en soutenant ce principe de coéducation pour le bien être de l’enfant.

    c)     La culture familiale, un support d’une alliance avec l’enfant et sa famille :

     Pour accorder cette place aux familles dans le quotidien, il est important de pouvoir faire une place à leur culture. Lors de mes premières rencontres avec les cinq enfants que j’ai suivis, la dimension culturelle s’est de suite imposée comme une réflexion nécessaire pour comprendre ces enfants et leurs familles. De Joachim (Inde) à Moussa (Mali) en passant par Jennifer (France) et Rama (Congo), chacun de ces enfants évoluait dans un schéma familial et culturel potentiellement très éloigné des valeurs et du quotidien de l’IME :

    [ Trois mois après le début du stage, j’ai beaucoup de difficulté à échanger avec Rama (11 ans), une enfant trisomique congolaise, au moment de l’accueil du matin. Mes diverses tentatives pour la saluer se terminent fréquemment par un visage de plus en plus fermé de Rama. Ces échecs me pèsent d’autant plus que mon intention me parait de plus en plus intrusive pour elle. Lors d’une récréation du midi, j’aperçois Fatu, une professionnelle aide médico-psychologique (AMP) d’origine congolaise interpeller Rama quelques minutes en lui parlant dans un dialecte incompréhensible. Rama part alors en riant. Je pars demander à Fatu, ce qu’elle a dit à Rama pour l’amuser autant. Elle me dit en riant « Ah tu sais ces congolais, ils ont du caractère ». Je lui demande de m’apprendre un mot en congolais que Rama apprécierait et elle me dit le mot « YA MADO » (signifiant une façon de danser congolaise). Le lendemain matin, lors de l’accueil, je restai un peu en retrait vis-à-vis de Rama et la salue en signant de la main comme d’habitude puis en rajoutant « Ya mado » ! Elle me regarde, sourit puis signa à son tour en me disant d’un sourire : « Ya mado Damien » ]

    Reconnaitre l’importance de la culture d’un enfant à l’IME, c’est le rattacher à sa famille et à ces valeurs. Ce n’est pas simplement trouver « un moyen » pour échanger avec Rama mais c’est l’inscrire et la reconnaitre dans sa famille tout en étant à l’IME. Cette dimension culturelle ouvre également une place à l’échange et donne la possibilité à l’enfant de nous apprendre, de nous transmettre ses savoirs et de le reconnaitre dans son histoire familiale. C’est ainsi que Rama m’appris par exemple que le « riz » servi au self s’appelait à la maison du « Tiep » mais qu’il se servait avec « une sauce rouge qui pique ». La culture à travers sa langue, sa cuisine, ses coutumes sont des leviers possibles de découverte des enfants que nous accompagnons. Ils représentent autant de support d’échange pour débuter une relation de confiance avec l’enfant et ces parents.

    La reconnaissance de la culture d’un enfant et de sa famille est aussi un outil précieux pour requalifier le parent dans ses compétences parentales. En effet, le handicap peut venir fragiliser la « validité » des parents à « être parent » face à des éducateurs qualifiés de « professionnels » auprès des enfants en situation de handicap. Cette attribution de statut de professionnel peut générer un sentiment d’incompétence dans l’éducation de leur enfant. Le rôle de l’éducateur de jeunes enfants est de rééquilibrer cet échange : « les requalifier, leur redonner confiance est une de nos tâches essentielles.[122] ». Par exemple, un vendredi matin, une éducatrice invita une mère d’une enfant malienne à venir animer un atelier cuisine à l’IME pour faire découvrir les plats cuisinés par cette famille. Ces moments de partage « enfant-parent-professionnel » sont des supports essentiel pour qu’un lien et une alliance puissent émerger avec les familles.

    On perçoit que pour qu’une alliance puisse se créer et permettre une coéducation « parents-professionnels », il est nécessaire de qualifier ces familles comme de réels partenaires de l’accompagnement de l’enfant en IME. Pour cela, une place doit être accordée à ces parents et cela peut se témoigner de multiples manières (intérêt de leur présence dans le quotidien de l’enfant à l’IME, prise en compte de la culture, de leurs attentes, besoins). Une réflexion menée en équipe pour favoriser la participation des parents à la vie institutionnelle est selon moi, un préalable à l’épanouissement de l’enfant, du fait de la construction d’une alliance parents-professionnel, synonyme d’une continuité affective pour l’enfant.

    D)   Une alliance compromise par les représentations éducatives des professionnels à l’égard des parents ?

    « Mais quel positionnement professionnel adopter quand les choix parentaux envers l’enfant semblent contraires à nos représentations éducatives ? ». Cette question s’est posée durant ce stage. La mère de Maëlle souhaitait tenter de « scolariser Maëlle » en milieu ordinaire. De nôtre côté, nos observations quotidiennes de Maëlle (8 ans) en perpétuelle mouvement et dont la capacité à rester à table quelques minutes relevait généralement de la fatigue, nous faisaient sérieusement douté de l’intérêt de cette démarche. Notre point de vue était que son intégration à l’école serait compliquée pour elle et pour les autres enfants de la classe. Mais nous avions le point de vue de cette mère, soutenant l’espoir d’un quelconque progrès de Maëlle. Elle confia à ma référente de stage lors d’un entretien, qu’elle s’en voudrait « de ne pas avoir tout essayé » pour sa fille.

     Durant un de mes échanges avec ma référente à ce sujet, une éducatrice nous a interrompu et nous livra cette phrase qui me questionna longuement : « de toute façon cette maman elle est dans le déni complet, qu’est ce que tu veux ! ».  Tout en désapprouvant silencieusement ces paroles, je me trouvais sans réponse face aux propos tenus sur cette mère. Je découvris ma réponse quelques mois plus tard lors d’une formation animée par A. MAUREL concernant la thématique de l’accompagnement aux parents d’enfant en situation de handicap. Elle dit à propos de ces parents, cette citation de D.W. WINNICOTT : « L’acceptation de la réalité est une tâche sans fin [123]». Effectivement, le handicap de leur enfant engendre une situation paradoxale : « c’est le même enfant qui oblige au renoncement et suscite l’espoir ». Ainsi « le deuil de l’enfant imaginaire[124] » comme le dit S. KORFF-SAUSSE est en réalité impossible à réaliser et chaque nouvelle étape de la vie de l’enfant revient à remettre en question des acquis durement construit ainsi que de nouvelles problématiques concernant leur enfant.

    Une présence et un soutien est pourtant indispensable auprès de ces parents lors de ces phases de transition. Comme le souligne A. MAUREL, il est primordial pour nous, éducateurs, d’accompagner ces parents « étape par étape sans s’avancer sur le développement futur de l’enfant et ses possibilités [125]». Nous nous devons d’accompagner « cette part de rêve [126]» du parent illustré par cette scolarisation pour qu’il continue à investir leur enfant sans l’illusionner de nos projections. Mon stage s’est arrêté lors de la prise de décision par l’équipe et la famille de soutenir ce projet et de scolariser Maëlle. Maëlle, au moment où je rédige ce mémoire, est scolarisée avec une assistante de vie scolaire (AVS) quelques heures par semaine.

    Cette partie vient souligner que tout comme pour l’enfant, une rencontre avec les professionnels de l’institution et les familles est nécessaire pour pouvoir les considérer par la suite comme des partenaires de l’accompagnement de l’enfant. Cette implication collective nécessite alors d’aménager des espaces et des temps propices à l’échange où chacun peut se sentir reconnu et suffisamment mise en confiance pour qu’une alliance puisse émerger à travers un objectif commun. L’enjeu de cette alliance est de pouvoir, à travers la multiplicité des regards, tenter de s’approcher d’une vision plus globale des potentialités de l’enfant. C’est en cela que la relation éducative doit nécessairement s’inscrire au carrefour d’une réflexion d’équipe et d’un partenariat avec les familles des enfants.

    CONCLUSION :

    Comme le dit H. BUTEN « Si longue et détaillée que soit la liste des critères de diagnostics de l’autisme infantile, elle prouve seulement qu’on peut décrire une pathologie, mais que cette description n’englobe jamais celle d’un être humain dans sa totalité.[127]».  Cette citation basé sur la recherche d’une vision globale de l’enfant a été une idée conductrice dans la création de ce mémoire, alimentée par mes recherches théoriques. Cet écrit est le reflet de l’évolution de ma réflexion durant ce stage passant d’un questionnement individuel au contact des enfants à une vision plus globale de leur accompagnement par un travail en partenariat avec l’équipe pluridisciplinaire et leurs familles.

    Ce mémoire tente de retranscrire ma conception actuelle du métier d’éducateur de jeunes enfants. Selon moi, cela débute par une rencontre avec soi même, ses affects et ses attentes lors de notre découverte des enfants. Ce travail préalable nous permet par la suite de pouvoir donner une place d’acteur à l’enfant afin qu’il soit l’auteur de sa propre histoire en notre présence. Notre rôle est d’être témoin de l’enfant que nous accueillons : témoin de ses évolutions, de ses envies, de ses difficultés pour pouvoir cheminer ensemble vers une recherche d’ajustements les plus adéquats à son bien être. Comme le résume C. BOPP LIMOGES : « L’éveil de soi-même à l’enfant est primordial pour d’une part cheminer vers plus d’humanité et d’autre part, pour accompagner l’enfant en respect avec son projet personnel [128]».

    Ce projet personnel, nous devons le découvrir en établissant un lien avec chaque enfant pour qu’ils nous donnent à voir leurs envies et leurs intérêts. Ces intérêts aussi surprenant soient ils, doivent être considérés par l’adulte comme des éclairages de la perception du monde de ces enfants. A nous de savoir écouter leur langage, verbal ou corporel pour tenter de les comprendre en respectant les conditions qui sont les leurs. C’est grâce au respect de ces conditions qu’une relation de confiance peut s’instaurer. S’éveiller à l’enfant, c’est également s’éveiller plus largement à la rencontre, que ce soit des familles ou des professionnels côtoyant l’IME pour que chacun à sa manière essaye de tendre vers un but commun dans l’intérêt de l’enfant.

    Cette réflexion auprès d’enfants n’ayant pas accès au langage m’a incité à étendre mes recherches sur le développement et la psychopathologie du nourrisson. Mes futures expériences professionnelles auprès de «l’infans[129] » viendront je l’espère ouvrir et nourrir cette réflexion concernant ma manière de penser l’éveil de l’enfant et de m’impliquer auprès d’eux.

    Les propos de la psychologue de l’IME lors de mon départ m’ont conforté dans cette idée : « Continue de t’interroger et d’avancer en espérant que tu ne trouves jamais le mode d’emploi. Le savoir faire n’est qu’un idéal mais le savoir y faire, avec chacun des individus que tu rencontreras, cela se travaille toute la vie. ». Cette question de l’influence de l’attitude de l’adulte dans sa relation à l’enfant se devra d’être réinterrogée tout au long de mon parcours professionnel. Comme le dit W. CHURCHILL, « L’attitude est une petite chose qui fait une grande différence », son impact nécessitera d’y prêter une attention quotidienne, que se soit en milieu spécialisé ou dans le secteur de la petite enfance, pour tendre vers une qualité de présence respectueuse de chacun.

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    BUTEN Howard (2001). Ces enfants qui ne viennent pas d’une autre planète : les autistes, Paris : Gallimard Jeunesse (1995)

    D’ALLANCE Mireille (2000). Grosse colère, Paris : l’école des loisirs, « Albums ».

    SENDAK Maurice (2015). Max et les Maximonstres, Paris : L’école des loisirs (1973)


    [1] BUTEN H., « Ces enfants qui ne viennent pas d’une autre planète : les autistes », Paris : Gallimard Jeunesse (1995)

    [2] GABERAN P., « Introduction, La relation éducative », Toulouse, ERES, « L’éducation spécialisée au quotidien », 2007, p. 9-17.

    [3] Source : Centre national de ressources textuelles et lexicales en ligne : http://www.cnrtl.fr/lexicographie/potentiel

    [4] Extrait du projet d’établissement de l’I.M.E

    [5] Ibid.

    [6] COUSIN-DURIEZ M.,« Maurice Titran ou l’histoire d’un tisseur de liens » , Spirale n° 55, p. 49-54.

    [7]HÉBERT F. (2014).  « Le tarot de l’éducateur », Paris : DUNOD p.5

    [8]PETITCLERC J-M. « Spiritualité de l’éducation », Paris : Edition Don Bosco       

    [9] BOWLBY J., « Amour et ruptures : les destins du lien affectif », Paris : Albin Michel (1979) p.166

    [10] TITRAN M, « L’annonce du handicap », Spirale, 3/2010 (n° 55), p. 93-97.

    [11] GALAM É. (1998) « L’écoute – résonnances des rencontres », Paris : « Autrement », Mutations. p. 27

    [12] DAVAL R., « Les fondements philosophiques de la pensée de Carl Rogers », Approche Centrée sur la Personne. Pratique et recherche 2008/2 (n° 8), p. 5-20.

    [13] GALAM É., Op. cit, p.29

    [14] Ibid

    [15] Ibid p.28

    [16] Ibid p.30

    [17] Ibid p.29

    [18]RASSE M. et al. « L’approche piklérienne en multi-accueil », Toulouse : ERES, Enfance et parentalité (2016), p.216

    [19] Ibid. p.216

    [20] KORFF-SAUSSE S., « Le miroir brisé – l’enfant handicapé, sa famille et le psychanalyste »,  Pluriel ,p 18

    [21] Ibid p.18

    [22] Citation chinoise ; Proverbes et sentences chinoises (1822)

    [23] GOLSE B. « Préface : Loczy le maternage insolite », Toulouse, ERES (2008)

    [24] ABGRALL M-G. (2015). « Pour une éthique de l’accueil des bébés et de leurs parents », Toulouse : ERES, Enfance et parentalité p.26

    [25] HEBERT F., Op cit., p.271

    [26] PICKLER E.,« Importance du mouvement dans le développement de la personnalité. Initiative – Compétence », Spirale, 2/2009 (n° 50), p. 175

    [27]ROBERT-OUVRAY S., SERVANT-LAVAL A., (2011), « Le tonus et la tonicité », Manuel d’enseignement de psychomotricité, Marseille, Solal, p.159

    [28] BOSCAINI F. (2004), « Le rôle du dialogue tonique dans la genèse de la relation parentale et thérapeutique», Évolutions psychomotrices N°63, p13

    [29] Ibid.

    [30] BACHOLLET M-S, MARCELLI D., «Le dialogue tonico-émotionnel et ses développements », Enfances & Psy 2010/4 (n° 49), p. 14-19.

    [31] Ibid.

    [32] Ibid.

    [33] HEBERT F., Op. cit., p.

    [34]BRAZELTON T-B (1992) « Écoutez votre enfant », Paris : Payot (1985) p.41

    [35] WATZLAWICK P., HELMICK BEAVIN J., JAKSON D. « Une logique de la communication », Paris,Seuil, « points »,(1979) p.45

    [36] HEBERT F., Op. cit, p.305

    [37] SCELLES R., « Handicap : l’éthique dans les pratiques cliniques », Toulouse, ERES (2008)

    [38] Ibid.

    [39]Ibid.

    [40] ROUSSILLON R., « Pour introduire la question du langage du corps et de l’acte », Le Carnet PSY 2006/7 (n° 111), p. 36-40.

    [41] DE SAINT EXUPÉRY A., « Le petit prince », Paris: Gallimard (1946) p.73

    [42] BUTEN H.,(2014). « Il y a quelqu’un là-dedans », Paris : Odile Jacob (2004) p.186

    [43] PIKLER E., Op. cit.,

    [44] TARDOS A., « Langage de gestes et communication précoce », Spirale 2009/3 (n° 51), p. 173-176.

    [45] LAZNIK M-C. « Vers la parole. Trois enfants autistes en psychanalyse », Denoel, p.14

    [46]  LACAN J., « Les écrits techniques de Freud », séminaire du 16 juin 1954, « points » p. 264.

    [47] LE VAN C., « Ces petits riens…  », in Pierre Denis, Continuité des soins, continuité psychique, ERES « 1001 bébés », 2010, p. 117.

    [48] HEBERT F., op. cit., p.129

    [49] Ibid.

    [50] F.HEBERT. F, op.cit., p.129

    [51] DELIGNY F. « Graines de crapules », Paris éditions du scarabée (1943)

    [52] DE SAINT EXUPERY A., op. cit, p.71

    [53] WINNICOTT D., « Jeu et réalité », Paris : Galimard (1975) p.127

    [54] Ibid.

    [55] Ibid.

    [56] WINNICOTT D., « Conversations ordinaires, Vivre créativement », Gallimard, 1988, pages : 47-48.

    [57] AUBOURG F., «.Winnicott et la créativité », Le Coq-héron 2003/2 (n  173), p. 21-30.

    [58] Ibid.

    [59] Ibid.

    [60] ZERILLO S., « De l’illusion à la culture ou le regard de Winnicott sur la créativité » – Les cahiers du CERFEE « Éducation et socialisation » Petite enfance : représentations et pratiques, P.1

    [61] BUTEN H., op.cit, p.184-185

    [62] WINNICOTT D., op. cit. « Jeu et réalité », p.127

    [63] DENIS P, « La continuité, pourquoi faire ? » Continuité des soins, continuité psychique, ERES « 1001 bébés », 2010 (), p. 7-8

    [64] BRAZELTON T-B, « Compétences du nouveau-né et médecine périnatale »,Cahier de l’Afrée n°5, Montpellier, juillet 1993.

    [65] WATILLON A., « l’observation du bébé », Yapaka, « temps d’arrêt ». p.42

    [66] Ibid.

    [67] CICCONE A., (2000), « Psychomotricité et motricité psychique, Psychomotricité : entre théorie

    et pratique », Livre sous la direction de POTEL C., Paris, InPress, p43-50

    [68] CICCONE A., « La pratique de l’observation », Contraste 2012/1 (N° 36), p. 55-77.

    [69] Ibid.

    [70] CLÉMENT R., « les parents en souffrance », Paris, édition Stock/Laurence pernoud, P.100

    [71] F.HEBERT F., op. cit., p.69

    [72] GATECEL A., MASSOUTRE-DENIS B., GIROMINI F., MOYANO O., (2011) « La relation en

    Psychomotricité », Manuel d’enseignement de psychomotricité, Marseille, p.291

    [73] Claudon Philippe, Dall’Asta Anne, Lighezzolo-Alnot Joëlle, Scarpa Olivier, « Étude chez l’enfant autiste d’un des fondements corporels de l’intersubjectivité : le corps propre comme partage émotionnel », La psychiatrie de l’enfant », 1/2008 (Vol. 51), p. 125-152.

    [74]WINNICOTT D., « Le passage de la dépendance à l’indépendance dans le développement de l’individu », Processus de maturation chez l’enfant, Payot, Paris, (1963) 1970, p. 49 

    [75] F.HEBERT F., op. cit. , p.71

    [76] BUTEN H., op. cit. , p.71-72

    [77] DENIS J., « Ritualisation et régulation des émotions », Sociétés, 4/2011 (n°114), p. 23-32.

    [78] Ibid

    [79] Id, « L’éloge des rituels », éditeur « Presses de l’université Laval »,(2004) p.33

    [80] DENIS J., op. cit. p.28

    [81] Ibid

    [82] Ibid, p.32

    [83] Ibid, p.30

    [84] Ibid, p.30

    [85] BOPP LIMOGE C., « L’éveil à l’enfant – enfants/adultes, grandir ensemble » Lyon : Chronique sociale, p.63-64

    [86] Ibid, p.64

    [87] Ibid, p.64

    [88] Ibid, p.64

    [89] Ibid, p.64

    [90] TARDOS A., DAVID M., « Être, c’est apprendre. Les chemins de l’apprentissage », Spirale 2012/3 (n° 63), p. 94-112.

    [91] D’ALLANCE M. (2000). « Grosse colère », Paris : l’école des loisirs, « Albums ».

    [92] Conférence de ROUSSILLON R. sur les « Formes complexes de la survivance de l’objet de Winnicott », le 18 septembre 2010 à l’Hôpital Necker – disponible sur PSYNEM.org

    [93] Ibid.

    [94] ROUSSILLON R., « La destructivité et les formes complexes de la « survivance » de l’objet », Revue française de psychanalyse 2009/4 (Vol. 73), p. 1005-1022. DOI 10.3917/rfp.734.1005

    [95] Ibid

    [96] Ibid.

    [97] Appellation trouvé par moi et ma référente

    [98] Conférence de ROUSSILLON R. sur les « Formes complexes de la survivance de l’objet de Winnicott », le 18 septembre 2010 à l’Hôpital Necker – disponible sur PSYNEM.

    [99] LE MAY M. « J’ai mal à ma mère », Paris : Fleurus psychopédagogie (1979)

    [100] BOPP-LIMOGES C., op cit.

    [101] BOUYSSONNADE F. et al., « Des identités professionnelles à l’épreuve du CAMSP  », Contraste 2010/2 (N° 33), p. 187

    [102]BOUYSSONNADE F. et al., op. cit., p.187

    [103] PERINO O. « Des espaces pour jouer- Pourquoi les concevoir ? Comment les aménager ? » , Toulouse : ERES, Enfance et parentalité, p.104

    [104] BOUYSSONNADE F. et al, op. cit., p.179

    [105] Ibid p.179

    [106] Ibid p.180

    [107] BOUYSSONNADE F. et al, op. cit, p.185

    [108] MORIN E., « Enseigner à vivre: Manifeste pour changer l’éducation »,éditions actes du sud

    [109] BOUYSSONNADE F. et al, op. cit, p.186

    [110] WINNICOTT D. « Le bébé en tant que personne » in L’enfant et le monde

    extérieur. Payot. (1972)

    [111] TITRAN M., « L’annonce du handicap », Spirale, 3/2010 (n° 55), p. 93-97.

    [112]GOLSE B., MORO M-R, « Le développement psychique précoce de la conception au langage ». Éditions Masson, 2014

    [113] KORFF-SAUSSE S. (2016) « Le miroir brisé – l’enfant handicapé, sa famille et le psychanalyste »,  Pluriel, p.47

    [114] CLÉMENT R., op.cit., p.100

    [115] COUSIN-DURIEZ M., op. cit., p. 49-54

    [116] SCELLES R., « Ne jamais réduire l’enfant et sa famille à leurs problèmes », Spirale, 3/2010 (n° 55), p. 147-153.

    [117] KORFF-SAUSSE S., op. cit, p.39

    [118] Ibid, p.39

    [119] Ibid, p.39

    [120] COUSIN-DURIEZ M.,op. cit., p.53

    [121] HÉBERT F., op. cit, p.209

    [122] Ibid, p.300

    [123] WINNICOTT D., op. cit. « Jeu et réalité », p.212

    [124] KORFF-SAUSSE S.,op. cit., p. 43

    [125] Formation « L’approche Piklérienne et le handicap » Novembre 2016 par l’association « Pikler Loczy ».

    [126] Ibid.

    [127] BUTEN H., op.cit,p.101

    [128] BOPP LIMOGES, op. cit.,p18

    [129] Du latin « infans, infantis », désignant le jeune enfant qui ne parle pas