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Recadrage (reframe)

    Je veux que tu changes : mais mon intervention patine… Cercle vicieux, escalade ? Peut-être que ma réponse fait partie du problème ? A moi d’inventer un autre « cadre » de rencontre

    « Recadrer » signifie ici de « sortir du cadre », c’est-à-dire changer le jeu relationnel quand il tourne en rond : il est l’heure de surprendre l’autre en ne répondant pas comme il s’y attend, de jouer un autre scénario que le choc frontal, pour une relation nouvelle, sans vainqueur ni vaincu, qui invite l’autre à changer de point de vue. Cette notion vient de l’école de Palo Alto, variante de la systémie

    Le « changement 1 » désigne les réponses symétriques (« en miroir ») que nous avons de façon réflexe devant un comportement problème (il s’oppose je m’impose ; il transgresse, je le reprends, le punis ; il fugue, je le rattrape et le ramène ; il demande de l’aide, je lui donne…). Mais souvent, le scénario se répète, l’autre « récidive », l’intervenant a le sentiment d’être dans un cercle, peut-être un cercle vicieux

    Le « changement 2 » ou « recadrage »(« reframe ») opère un pas de côté, un détour : l’éducateur suggère, avec sérieux mais avec un humour implicite, un autre « jeu » relationnel entre l’autre et moi, il « redéfinit la situation » : par exemple, dans Les misérables de Victor Hugo, le curé à qui Jean Valjean a volé des couverts en argent, quand les gendarmes lui ramène le coupable, dit qu’il les lui avait donnés, et reproche au voleur d’avoir « oublié » une partie du butin ; l’enfant fugue, l’éducateur court après et le dépasse, puis le questionne : on ne fait pas le jogging ? (voir RECIT : Petites foulées. Ou bien le vol de ma montre, je le redéfinis comme « une perte » de l’objet ; ou encore celui que j’aide sans cesse et qui en demande toujours plus, je lui demande de l’aide, etc.

    Il s’agit toujours de surprendre, de se montrer énigmatique (à quoi il joue ? se demande l’autre), et d’offrir à la personne une porte de sortie honorable, au lieu du rapport de force qu’elle attendait… Elle comprend alors qu’on lui tend une perche pour sortir de la situation sans vainqueur ni vaincu, qu’on ne cherche pas à l’humilier, et en fait, qu’on reconnait sa fragilité.

    « Si tu joues au policier, ils joueront aux bandits » F. Deligny, Graine de crapule

    « A plusieurs égards, cette façon de résoudre les problèmes ressemblent à la philosophie et à la technique du judo où l’on n’arrête pas l’attaque de l’adversaire par une contre-attaque de force au moins égale, mais où on la laisse venir et on l’amplifie en s’effaçant et en l’accompagnant. C’est à quoi l’adversaire ne s’attend pas, car il joue un jeu de force contre force (…) et compte sur une contre-attaque et non sur un jeu totalement différent. Le recadrage (…) enseigne un nouveau jeu qui rend l’ancien caduc. » (id., p. 126)

    « (…) Non seulement les patients acceptent les prescriptions aussi absurdes et même incongrues, mais ils le font souvent avec un grand sourire, comme s’ils avaient compris, en quelque sorte, la nature essentiellement humoristique – et pourtant profondément sérieuse – du paradoxe. » (id., p. 109)

    divers types de recadrages :

    aller dans le sens du symptôme : « j’accompagne » ta fugue, mais en prenant soin de toi (cf. RECITS Petites foulées et aussi « Fugue sous haute protection », dans Petites histoires de grands moments éducatifs)

    cadeau énigmatique : je donne quelque chose à quelqu’un, dans une situation où il ne s’y attend pas du tout, sans explications

    effet miroir : je fais comme toi (dire des gros mots, jeter les objets par la fenêtre etc.), sans m’expliquer ; ou bien : on échange les rôles : tu es « l’adulte », je suis « le jeune » cf. RECITS : Vis ma vie , Bip bip !

    le hors-jeu (Dodson) : je te mets « hors-jeu », sans te punir, en disant juste : « je reviens dans cinq minutes » ; ou bien je m’en vais, sans explication  : « Quand le public s’en va, la comédie s’arrête » (Dodson) Cf. RECITS : Fabienne et ses cheveux

    indifférence simulée : je ne sermonne pas le coupable, j’ignore celui qui me provoque, je m’occupe dans mon coin sans m’occuper de l’autre ( cf. pratique en ricochets) (il ne doit pas y avoir indifférence réelle, cela doit rester un « jeu » théâtral) cf. également l’AAA, attitude authentiquement affective, où « je fais la gueule » à celui qui a transgressé, qui m’a insulté…

    l’aidant aidé : je me mets en position de me faire aider par celui qui a l’habitude que je l’aide, ou qui demande sans cesse de l’aide. Voir jeu de places (éducateur éduqué, aidant aidé)

    Voir aussi réparation une réponse qui sort du « jeu » voleur/gendarme, transgression/punition

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